Pavillon des Halles centrales, 1866
Premier pavillon des Halles centrales, rue de la Tonnellerie. Paris Ier. Janvier 1866.
- Date : 1866
- Auteur : Charles Marville (1813-1879)
- Support : tirage sur papier albuminé, 36 x 23.6 cm
- Collection : BHDV, anct bibliothèque de la préfecture de la Seine
Version haute définition : 4320 x 2800 pixels.
Ceci est le rare, et probablement unique, souvenir photographique du premier pavillon des Halles centrales des architectes Baltard et Callet, dont la construction fut subitement arrêtée en 1853 sous l’effet de l’opinion publique. Laissé inachevé, servant de remise et de salle de vente à la criée du marché de la viande voisin (pavillon no 3, ouvert en 1860), il est finalement détruit en 1866 pour laisser place à un nouveau pavillon tout en fer.
Après un long processus de réflexion et d’études mené sous l’administration du préfet Rambuteau, la conception des Halles centrales avait été officiellement confiée en août 1845 aux architectes municipaux Victor Baltard (1805-1874) et Félix Callet (1791-1854). La construction des halles fut déclarée d’utilité publique par une ordonnance royale de Louis-Philippe, le 17 janvier 1847, et s’étalera de 1851 à 1874.
Un projet de huit pavillons en pierre à charpente de fer est définitivement choisi en août 1851 par l’administration du préfet Berger. Il répond en tous points à un programme précis, rédigé par une commission spéciale et daté du 21 octobre 1847.
La première pierre est posée le 15 septembre 1851 par le prince-président de la République Louis-Napoléon : “En posant la première pierre d’un édifice dont la destination est si éminemment populaire, je me livre avec confiance à l’espoir qu’avec l’appui des bons citoyens, et avec la protection du ciel, il nous sera donné de jeter dans le sol de la France quelques fondations sur lesquelles s’élèvera un édifice social assez solide pour offrir un abri contre la violence et la mobilité des passions humaines.”
Ce premier pavillon est presque achevé en 1853 quand il est victime de “la mobilité des passions humaines” : une campagne de presse attaque violemment son architecture, jugée massive et peu fonctionnelle ; on l’appelle le Fort des Halles. Une pétition de marchands est envoyée à l’empereur.
Sensible à la tempête critique, le 3 juin 1853, le prince devenu empereur Napoléon III vient voir le nouveau pavillon et décide l’arrêt du projet (le même jour, il visite la nouvelle gare Saint-Lazare, ce qui lui offre un saisissant constraste). Baltard et Callet présentent alors très rapidement, le 13 juin, de nouveaux projets libérés des contraintes du programme de 1847. Le 23 juin, le baron Haussmann remplace Jean-Jacques Berger à la tête de la préfecture de la Seine. Aussitôt arrivé à son nouveau bureau, Haussmann convoque Baltard et lui fait part des aspirations que l’empereur lui aurait confiées. Napoléon III souhaiterait une architecture légère et métallique, à l’image des débarcadères du chemin de fer. “Ce sont des vastes parapluies qu’il me faut, rien de plus.” Mais Baltard était déjà au fait des désirs impériaux et avait déjà travaillé dans cette direction.
Baltard et Callet présentent à nouveau trois projets le 5 juillet et c’est l’empereur qui choisit celui laissant la part belle au fer. Le projet sélectionné est retravaillé et validé en octobre 1853. La construction des “parapluies de Napoléon III” débutera en février 1854.
Dans sa monographie consacrée aux halles, Baltard livre son analyse des événements :
Deux ans après, au mois de juin 1853, le gros œuvre du premier pavillon des Halles se terminait, l’entablement était posé ; il ne restait plus qu’à mettre la toiture et à faire les ravalements, lorsque, inopinément, les travaux furent suspendus par ordre supérieur ; la Préfecture de police reprochait à la Préfecture de la Seine de ne l’avoir pas suffisamment consultée. D’autre part, l’opinion publique, particulièrement celle des marchandes des Halles, avait été mise en émoi par l’expression du nouveau système d’aménagements qui devenait alors appréciable à tous les yeux ; ce système, sans doute exagéré dans ce premier pavillon, consistait a ne laisser que peu d’entrées, afin de concentrer le commerce à l’intérieur, à l’exclusion des étalages extérieurs, ce qui contrariait d’anciennes habitudes et certains intérêts individuels.
D’autre part, un engouement prononcé pour les constructions en métal, dont les gares de chemins de fer offraient d’intéressants spécimens, dominait le goût public et l’éloignait des constructions en pierre. L’aspect général du nouvel édifice paraissait lourd, et bien que les architectes n’eussent fait que se conformer aux programmes peut-être trop détaillés et trop explicites qu’on leur avait donnés, que présider à l’exécution des projets approuvés, ils furent généralement blâmés, et la foule des compétiteurs revint ardemment à la charge. Mais les architectes jusqu’alors investis de la confiance de l’administration ne restèrent pas en arrière, et, bientôt, libres de toute entrave, puisque le programme qu’ils avaient reçu était à peu près déchiré, ils présentèrent plusieurs projets nouveaux, suivant divers modes de construction. Ces projets, appuyés d’abord par l’administration municipale, furent directement soumis à l’empereur, qui se prononça pour un système de construction n’employant presque exclusivement que le fer et la fonte.
Peu de temps après, M. Berger, Préfet de la Seine, fut remplacé par M. Haussmann. Le premier soin de ce magistrat fut d’encourager et de défendre les architectes des Halles ; il s’applique avec eux à perfectionner le projet dont l’empereur avait approuvé le principe, admit un nouveau lotissement de terrain, plus rationnel et plus judicieux que celui des anciens projets, ordonna l’exécution et l’exposition d’un modèle qui pût faire comprendre à chacun le parti proposé, et fit à l’opinion publique un appel auquel répondit une approbation unanime du nouveau projet.
Le suffrage de l’Empereur ne pouvait lui manquer ; son coup d’œil avait déjà pressenti, d’après les premiers plans, le résultat qu’on était en droit d’attendre des dispositions nouvelles.
L’examen qu’il fit du modèle confirma sa première impression, et l’on peut dire que l’exécution finale est venue la justifier encore.
La photographie de Marville illustre un fait, c’est la continuité visuelle entre l’architecture de ce premier bâtiment et celle de l’église Saint-Eustache, ce qui n’est sans doute pas un hasard puisque Baltard était depuis 1842 l’architecte de la restauration de l’église.
Paris a sans doute gagné au change avec ce qui deviendra les “Halles Baltard”, mais ce premier bâtiment ne méritaient peut-être pas toute l’opprobre qu’il a suscité à son époque. Son principal défaut était de ne plus répondre au goût du jour.
La construction est remplacée par le pavillon no 5 dédié à la triperie et charcuterie au détail, dont la construction débute vers janvier-février 1867 (photographie du chantier en mars 1867) et qui ouvre le 3 mai 1869.
À gauche, sur la photographie, nous voyons l’angle d’un pilier des Halles, le no 39, rue de la Tonnellerie. Il doit être détruit pour le prolongement de la rue du Pont neuf jusqu’à la Pointe Saint Eustache et pour l’expansion des Halles centrales. Les matériaux à provenir de sa démolition ont été adjugés le 10 mars 1866 (cf. Recueil des actes administratifs de la Préfecture du département de la Seine, 1866, no 3). Sa démolition est probable dans les deux mois qui suivirent.
Affiche “Alcazar. Tous les soirs. Thérésa”. La chanteuse Thérésa, de son vrai nom Emma Valladon, aurait été réengagée pour trois ans par l’Alcazar en novembre 1865.
Affiche “Héloïse Paranquet”. Pièce en quatre actes d’Armand Durantin et Alexandre Dumas fils, créée le 20 janvier 1866 au Théâtre du Gymnase.
Affiche “Grands succès. Les Deux Arlequins. Monsieur Voisin”. Ces deux opéras-comiques sont programmés aux Fantaisies-Parisiennes en janvier-février 1866.
Affiche des Messageries impériales que l’on voit très clairement sur cette photographie. “Messageries impériales — Notre-Dame-des-Victoires. 25 janvier 1866. Ouverture d’un bureau Faubourg Saint-Germain. 76, rue de Seine (succursale). Expéditions pour tous pays. […] Remboursements et recouvrements. Services maritimes — Paquebots-poste. Service spécial sur New-York.”
Affiche “L’Événement. À paraître au 1er février. Le Mari Embaumé”. Ce roman de Paul Féval est publié par le journal L’Événement à partir du 1er février 1866.
Datation : probablement entre les 15 et 31 janvier 1866.
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No 37 | Pavillon des Halles centrales, rue de la Tonnellerie. Janvier 1866. | ||
State Library of Victoria | Musée Carnavalet | BHVP (négatif) | |
— | CARPH000536 | — | |
— | 22.8 x 37 | — | |
— | 1865 | — |
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Bibliographie sélective
V. Baltard, et feu F. Callet architectes. Monographie des Halles centrales de Paris construites sous le règne de Napoléon III et sous l’administration de M. le Baron Haussmann. Paris, Morel, 1863. http://www.e-rara.ch/doi/10.3931/e-rara-8952
Christopher Curtis Mead. Making Modern Paris: Victor Baltard’s Central Markets and the Urban Practice of Architecture. Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2012.
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Inauguration des Halles centrales. Pose de la première pierre. 1851.
- Date : 1851
- Auteur : A. Provost
- Support : lithographie en camaïeu, coloriée, 38 x 26.2 cm
- Collection : BNF, Paris
Version haute définition : 3885 x 3000 pixels.
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Voir également :
Auteur(s) de la notice : Laurent Gloaguen.
Publié initialement le dimanche 6 juillet 2014.
Dernière mise à jour le dimanche 20 juillet 2014.
Article classé dans : Charles Marville > Vues du Vieux Paris.
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1. Le 15 juin 2015,
L. A.
Bonjour M. Gloaguen
Et merci pour ce site extraordinaire, que je viens de découvrir avec émotion. Votre travail est remarquable, tant sur les photos, leur localisation, leur historique, la description des détails, que sur la présentation et l'accessibilité de votre site.
C'est un trésor que vous partagez là, après en avoir poli vous-même toutes les pièces et leur avoir fabriqué cet écrin somptueux. La tâche accomplie force l'admiration. (Ce n'est peut-être pas le bon endroit pour faire ce genre de remarques, mais c'est mérité.)
En ce qui concerne la présente vue (Pavillon des Halles centrales, 1866, Charles Marville), un détail m'intrigue. Sur la gauche, sur la façade du marchand de vins, juste au-dessus de la plaque de rue indiquant "RUE DE LA TONNELLERIE" se trouve une autre plaque, plus petite, indiquant "LE NORD". De quoi s'agit-il ?
J'ai bien pensé à la Compagnie de chemins de fer du Nord (dite Compagnie du Nord ou simplement "le Nord"), mais quelle aurait été l'utilité d'une telle plaque, sans aucune autre indication ni explicative, ni publicitaire, si isolée et si minuscule, en plein milieu des halles centrales ?
Si vous avez eu la patience de me lire et que vous ayez encore celle de me faire une réponse, je vous en saurais vraiment gré.
Cordialement,
L. A.
2. Le 15 juin 2015,
Vergue
“Le Nord” était une compagnie d’assurances contre l’incendie, fondée en 1840 à Lille, dont le siège fut transféré à Paris en 1867 (22, rue Le Peletier). La plaque de métal sur l’immeuble indique que ce dernier est assuré contre l’incendie par cette compagnie. Ces plaques d’assurance sont aujourd’hui assez rares, car elles étaient normalement enlevées par le courtier en cas de non-renouvellement du contrat et les oubliées furent souvent victimes des ravalements. L’usage de ces plaques a disparu au début du XXe siècle. Vers 1990, la compagnie Le Nord, rachetée par Allianz France, disparaît comme entité propre (avec d’autres compagnies comme l’Europe, le Monde, la Protectrice, la Fortune, la Vigilance, la Rurale, le Recours, Rhin et Moselle, etc.).
3. Le 15 juin 2015,
L. A.
Merci bien.
Voilà une énigme (pour moi) élucidée avec toutes les précisions voulues.
Ici (en Bretagne) il commence à se faire tard (j'écris ceci à 21 heures), à bientôt sans doute.