Rue Jacob, c. 1867

Marville : rue Jacob

Rue Jacob, de la rue de Seine. Paris VIe. Vers 1867.

Version haute définition : 2600 x 2713 pixels.

Marville se trouve rue de Seine et photographie la rue Jacob. Après le croisement avec la rue de l’Échaudé, nous voyons le débouché de la rue de Furstenberg à gauche.

La rue Jacob, dans sa partie anciennement rue du Colombier, devait être touchée par pas moins de trois projets : le prolongement de la rue de Rennes jusqu’au quai Conti, l’élargissement de la rue de l’Échaudé aux dépens de la rue Cardinale et du passage de la Petite Boucherie, et l’élargissement et déplacement vers l’ouest du tracé de la rue de Seine.

Aucun de ces projets n’aboutira. Ainsi, l’essentiel du bâti que nous voyons sur la photographie de Marville existe encore de nos jours, à l’exception notable du no 2, à droite, l’hôtel de Cronstadt. C’est dans cet hôtel que Louise Michel résida de 1897 à 1904. Il est aujourd’hui remplacé par un jardinet sans nom qui est orné d’une fontaine dans le goût des années 1970 (Sphère, Guy Lartigue, sculpt. 1977).

Cet immeuble avait été acquis par la préfecture de la Seine, probablement lorsque le projet “rue de Seine” était à l’ordre du jour. En décembre 1940, moyennant indemnité, le bail des exploitants de l’hôtel, alors M. Georges Prévost et Mme Pauline-Hélène Tison, est résilié par la préfecture en vue d’une démolition. (Je n’ai pas trouvé à quelle date le bâtiment fut démoli, peut-être fin 1944. Une photo de Jean Roubier montre l’immeuble en août 1944 ; on y voit la démolition du 4e étage commencée et au rez-de-chaussée une épicerie Primistère parisien endommagée par les combats de la libération de Paris.)

La rue du Colombier était la limite nord de l’enclos abbatial de Saint Germain des Près.

Plan rue Jacob

Position de Marville. [1600 x 1000 px.]

JACOB (RUE). Commence à la rue de Seine, nos 48 et 50 ; finit à la rue des Saints-Pères, nos 29 et 31. Le dernier impair est 51 ; le dernier pair, 60. Sa longueur est de 418 m. — 10e arrondissement, quartier de la Monnaie.

D’après la demande de plusieurs propriétaires riverains, une décision ministérielle du 14 juillet 1836 a autorisé la réunion de la rue du Colombier à la rue Jacob, sous la seule dénomination de cette dernière rue. Une ordonnance royale du 29 avril 1839 a fixé la moindre largeur de cette voie publique à 10 m. 70 c. Les propriétés ci-après sont alignées : nos 1, de 21 à la fin, et de 34 à 60 inclus.

Dans cette rue, entre le no 45 et l’hôpital de la Charité, était située la rue des Deux-Anges, qui se terminait par un retour d’équerre à la rue Saint-Benoît, nos 4 et 6. Cette voie publique devait sa dénomination à deux statues d’anges, placées aux encoignures de la rue Jacob. Elle a été supprimée en vertu d’une ordonnance royale du 5 août 1839, qui a autorisé la ville de Paris à céder le sol de cette rue tant aux propriétaires riverains qu’aux hospices civils.

Rappelons l’origine des rues du Colombier et Jacob. Suivant un registre du Trésor des Chartes, il est fait mention à l’année 1317 d’une maison et dépendances sises à Saint-Germain-des-Prés, au lieu nommé le Colombier. Telle est sans doute l’origine de la dénomination affectée à la voie publique qui nous occupe. Une décision ministérielle du 15 floréal an V, signée Benezech, avait fixé la moindre largeur de cette rue à 10 m.

La deuxième rue doit son nom à l’autel de Jacob, que la reine Marguerite de Valois, première femme de Henri IV, avait fait vœu de bâtir. Cette reine accomplit son vœu par la construction du couvent et de l’église des Petits-Augustins. Ce ne fut qu’en 1640 que cette rue fut bâtie. Une décision ministérielle du 15 floréal an V, signée Benezech, avait fixé à 10 m. la moindre largeur de cette voie publique.

[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]

En application du décret d’utilité publique du 28 juillet 1866, la rue de Rennes, créée en 1854 du boulevard du Montparnasse à la rue de Vaugirard, devait être prolongée jusqu’au quai Conti, débouchant entre l’Institut et la Monnaie. La voie est prolongée en avril-septembre 1867 jusqu’à la rue du Vieux Colombier et d’octobre 1867 à avril 1868 jusqu’à la rue de l’Abbaye. Le prolongement allant de la rue de l’Abbaye au quai ne sera jamais réalisé. La chute du baron Haussmann, puis celle de Napoléon III, des ajournements successifs dans les décennies qui suivirent, l’opposition farouche de l’Institut de France en 1902 lorsque le projet est repris à la faveur de la construction de la ligne no 4 du métropolitain, deux guerres mondiales et l’attentisme de l’administration en auront raison. Il sera définitivement abandonné au début des années 1960. Environ quarante-cinq immeubles sur les quatre-vingts nécessaires à l’opération furent cependant expropriés ou acquis à l’amiable et versés au domaine privé de la ville. Plusieurs seront vendus aux enchères à partir de 1996, à la suite des scandales de la gestion des “réserves foncières et immobilières composant le domaine intercalaire” sous les administrations Chirac et Tiberi.

Sur la rue Jacob, les nos 17, 19, 21, 23 et 22, 24, 26, 28 ont fait partie du domaine privé.

Alain Juppé, alors adjoint au maire de Paris, s’était attribué en 1990 un appartement de 152 m2 sur jardin, au second étage du 26, rue Jacob (ancien hôtel Lefèvre-d’Ormesson, construit en 1710), avec un loyer modéré et après 922 000 francs de travaux. À la même adresse, le fils Laurent et la fille Marion bénéficieront également chacun d’un studio. En 1993, Laurent Juppé déménage dans un appartement de 88 m2 au 3e étage du 28, rue Jacob. L’esprit de famille étant ce qu’il est chez les Juppé, Jean-Gabriel Drageon, demi-frère d’Alain Juppé, obtiendra en 1995 un pied-à-terre de 42 m2 au no 26. En octobre 1997, l’appartement d’Alain Juppé a été vendu 7,81 millions de francs, soit 51 400 francs le mètre carré. Au no 23, un bel appartement de cinq pièces a été vendu plus de 3,15 millions de francs en janvier 1997. Le projet signé en 1866 par l’empereur aura ainsi indirectement des répercussions politiques jusqu’à nos jours.

La suppression de l’îlot circonscrit par les rues Jacob, de l’Échaudé et de Seine, permettant la création d’une petite place, figure aux plans joints aux ordonnances des 29 avril 1839, 30 avril 1844 et 25 novembre 1844 relatives à ces voies. Le décret du 28 juillet 1866 prévoyant “L’isolement et la rectification du périmètre de l’Institut au moyen de l’ouverture d’une voie de vingt-deux mètres de largeur remplaçant la rue de Seine dans la partie comprise entre le quai Malaquais et la rue Jacob”, entraînant également la suppression de cet îlot, rendaient caduques ces précédentes dispositions.

Datation de la prise de vue : vers 1867.

No 220Rue Jacob, de la rue de Seine. Vers 1867.
State Library of VictoriaMusée CarnavaletBHVP (négatif)
CARPH000860NV-004-C-0502
27.2 x 31.228.7 x 38
1865-1868vers 1868

Position estimée

  • 1. Le 14 août 2015,
    Olivier

    Passionnant et savoureux article ! J'ai éclaté de rire à l'irruption finale de la famille Juppé, succédant à l'évocation de Louise Michel. Merci.