Rue de l’École de Médecine, c. 1866

Marville : rue de l’École de Médecine

Rue de l’École de Médecine, de la rue Dupuytren. Paris VIe. Vers 1866.

Version haute définition : 2600 x 3103 pixels.

Marville se trouve rue de l’École de Médecine, entre les débouchés des rues Larrey (anciennement du Paon) et Dupuytren (anciennement de Touraine) 1, et photographie en direction de l’ancienne rue des Boucheries 2. 1. Les rues du Paon et de Touraine changent de dénomination par arrêté du 10 mai 1851. 2. La rue des Boucheries, qui allait de la rue de l’Ancienne Comédie à la rue de Montfaucon, est réunie à la rue de l’École de Médecine, qui allait de la rue Racine à la rue de l’Ancienne Comédie, par ordonnance ministérielle du 5 octobre 1846. Au point le plus élevé de la chaussée, nous voyons les débouchés du carrefour de l’Odéon et de la rue de l’Ancienne Comédie.

L’essentiel du bâti que nous voyons sur cette photographie va disparaître, lors du prolongement du boulevard Saint Germain, en deux étapes : en 1875 pour les maisons jusqu’à la rue de l’Ancienne Comédie, et en 1877 pour les suivantes.

La partie du boulevard Saint Germain entre les rues Hautefeuille et de l’Ancienne Comédie, longue de 230 m, est réalisée en 1875. Les démolitions sont faites en novembre 1875. Les travaux sont “entièrement terminés” fin janvier 1876 3. 3. Le Petit Journal, 29 janvier 1876, no 4782, p. 2. La partie suivante, entre les rues de l’Ancienne Comédie et des Ciseaux, sera réalisée en 1877. Le boulevard Saint Germain est achevé sur toute sa longueur en octobre 1877.

À droite, nous voyons la fontaine des Cordeliers, anciennement fontaine Saint Germain. Elle avait été bâtie après la démolition en 1672 de la porte Saint Germain, vestige de l’enceinte de Philippe-Auguste, qui se trouvait à cet endroit. On sait qu’elle fut achevée en 1717. Certains auteurs disent que deux fontaines se sont succédé, l’une construite en 1673 et la suivante en 1717 4. 4. Jean-Aymar Piganiol de La Force, Description historique de la ville de Paris et de ses environs, Paris, Humaire, 1770. Tome septième, pages 48-50. Ou peut-être était-ce la même qui fut remaniée.

La fontaine des Cordeliers était composée de deux consoles soutenant un fronton et d’une niche en renfoncement, décorée à la clef d’un mascaron et dans la voussure, d’une coquille. Une inscription sur une table de marbre noir, disparue à l’époque de la photographie, marquait sur la fontaine le souvenir de la porte de Philippe-Auguste : “Du règne de Louis le Grand, la Porte S. Germain, qui étoit en ce lieu, a été démolie en l’année 1672, par l’ordre de Messieurs les Prévôt des Marchands et Échevins, en exécution de l’Arrêt du Conseil du 19 Août audit an ; et la présente inscription apposée suivant l’Arrêt du Conseil du 29 Septembre 1673, pour marquer l’endroit où étoit cette Porte, et servir ce que de raison.” Jean de Santeul (1630-1697) dédia à la fontaine ce distique qui fut également gravé dans le marbre : “Urnam nympha gerens dominam properabat in urbem : hic stetit, et largas læta profudit aquas” (1675). Une nymphe, portant une urne, s’avançait précipitamment vers la ville capitale : elle s’arrêta ici, et, charmée, elle y répandit ses eaux avec profusion.

Après l’hôtel de la Fontaine, la haute porte cintrée est l’entrée de la cour du Commerce. Dans cet immeuble était l’appartement de Georges Jacques Danton (1759-1794), au premier étage au-dessus de l’entresol. Sur la photographie, de droite à gauche, les deux premières fenêtres étaient celles du grand salon et la troisième était celle d’un petit salon. Nous voyons deux personnes à la seconde fenêtre du grand salon, dont un homme 5 qui semble avoir pris la pose. 5. Les traits de ce dernier me font penser qu’il pourrait s’agir de Charles Delahaye, l’assistant de Marville, alors âgé de 29 ans.

Plan rue de l’École de Médecine

Position de Marville. [1600 x 1000 px.]

MÉDECINE (RUE DE L’ÉCOLE-DE-). Commence aux rues Racine, no 2, et de la Harpe, no 82 ; finit aux rues Montfaucon, no 1, et de Buci, no 39. Le dernier impair est 113 ; le dernier pair, 98. Sa longueur est de 573 m. — Les impairs sont du 11e arrondissement : de 1 à 47, quartier de l’École-de-Médecine ; de 49 à la fin, quartier du Luxembourg ; les pairs de 2 à 42, 11e arrondissement, quartier de l’École-de-Médecine ; de 44 à la fin, 10e arrondissement, quartier de la Monnaie.

Première partie, comprise entre les rues Racine et de la Harpe, et le carrefour de l’Odéon et la rue de l’Ancienne-Comédie. C’était, en 1300, la rue des Cordèles (Cordeliers), le couvent de ces religieux était situé dans cette rue. En 1304, c’était la rue Saint-Côme et Saint-Damien, en raison de l’église ainsi appelée qu’on voyait au coin de la rue de la Harpe. Jusqu’en 1672, on la désigna sous la dénomination de rue Saint-Germain ; elle conduisait à la porte de ce nom. De 1672 à 1790, c’était la rue des Cordeliers. Elle prit alors le nom de rue de l’École-de-Médecine, qu’elle conserva jusqu’en 1793.

« Séance du 25 juillet 1793. — Une députation de la section du Théâtre-Français (Odéon) demande que la rue des Cordeliers soit appelée maintenant du nom de Marat. Elle annonce, en outre, l’offre du citoyen Palloi de plusieurs pierres de la Bastille pour l’exécution de ce projet. Le conseil adopte à l’unanimité cette demande, et arrête en conséquence que la rue nommée des Cordeliers s’appellera rue Marat, et la rue de l’Observance place de l’Ami du Peuple. Signé PACHE et DORAT-CUBIÈRES. » (Registre de la Commune, tome 19, page 88.) — Cette propriété où demeurait Marat existe encore à peu près comme on la voyait du temps de la révolution ; elle porte aujourd’hui le no 20 ; c’est une maison de chêtive apparence, dont la cour est étroite et sombre. Dans cette maison, au premier étage, était l’appartement du rédacteur de l’Ami du Peuple, et c’est dans le cabinet qui donne sur la petite cour au-dessus du puits que ce tribun fut assassiné le 13 juillet 1793. — Depuis le 9 thermidor 6, époque de la chute de Robespierre, jusqu’au 1er floréal an IV 7, elle prit le nom de rue de l’École-de-Santé. 6. An II, 27 juillet 1794. 7. 20 avril 1796. Une lettre émanée du bureau central du canton de Paris, constate néanmoins qu’à cette époque cette rue portait encore le nom de Marat. Elle prit peu de temps après le nom de rue de l’École-de-Médecine. — Une décision ministérielle du 24 messidor an V, signée Benezech, fixa la largeur de cette voie publique à 9 m. En vertu d’un arrêté préfectoral du 15 septembre 1836, le numérotage de cette voie publique a été régularisé. Une ordonnance royale du 27 du même mois a porté la moindre largeur de cette rue à 10 m.

Deuxième partie, comprise entre le carrefour de l’Odeon et la rue de l’Ancienne-Comédie, et les rues Montfaucon et de Buci. — On l’appelait rue des Boucheries en raison des boucheries de Saint-Germain-des-Prés, qui de temps immémorial étaient établies en cet endroit. La moitié de cette voie publique a été construite sur un terrain qui faisait partie de la garenne de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés. Presque toutes les maisons de la rue des Boucheries étaient occupées par des étaux, et les cours servaient d’abattoirs ; le sang des animaux égorgés coulait dans les ruisseaux et rougissait le pavé de la rue. Cet état de choses dura jusqu’en 1808 ; à cette époque, Napoléon ordonna la construction des abattoirs. — Une décision ministérielle du 24 messidor an V, signée Benezech, fixa la moindre largeur de cette voie publique à 9 m. Cette moindre largeur devra être portée à 11 m. en vertu d’une ordonnance royale du 27 mars 1831. Conformément à une décision ministérielle du 5 octobre 1846, la rue des Boucheries a été réunie à la rue de l’École-de-Médecine.

Les propriétés ci-après sont alignées : 1, de 15 à 23, de 33 à 37, 93, 111, 113 ; 2, 4, 6, 12, 44, 48, 50 et 52.

À l’angle de la rue de l’École-de-Médecine et de celle de la Harpe était située l’église Saint-Côme et Saint-Damien, dont nous rappelons ici l’origine. — La nouvelle enceinte de Paris dont Philippe-Auguste avait ordonné la construction morcelait les propriétés et les terres seigneuriales. Des différends s’élevèrent entre l’évêque de Paris et l’abbé de Saint-Germain-des-Prés. Ces contestations furent terminées par une sentence arbitrale, rendue au mois de janvier de l’an 1210, par laquelle il fut dit : que la juridiction spirituelle appartiendrait à l’évêque de Paris, dans l’étendue du territoire qui venait d’être compris dans la nouvelle enceinte, mais que l’abbé de Saint-Germain-des-Prés, par compensation, y pourrait faire bâtir deux églises ; l’une fut celle de Saint-André-des-Arts, et l’autre devint l’église Saint-Côme et Saint-Damien.

En vertu d’un arrêt du Parlement, de 1343, l’Université nommait à la cure de Saint-Côme. Quoique les dépendances de cette église fussent peu étendues, on y voyait cependant un cimetière, des charniers, ainsi qu’un petit bâtiment construit en 1561. Le lundi de chaque semaine, les chirurgiens y venaient visiter les pauvres blessés, auxquels ils donnaient des consultations gratuites.

« En 1255 fut érigée, dit Sauval, la confrérie de Saint-Côme et de Saint-Damien, patrons des chirurgiens. » En 1555, Nicolas Langlois, prévôt des chirurgiens, affecta une rente de cinquante livres à cet utile établissement. Un mémorial en caractères gothiques, rappelant cette pieuse fondation, était placé sous les charniers. Ces chirurgiens avaient succédé aux chanoines qui exerçaient cet office charitable à l’entrée de la cathédrale. Parmi les personnages célèbres enterrés dans cette église, on remarquait le tombeau d’Orner Talon, avocat au Parlement, auteur de mémoires très-curieux, mort en 1652, et celui de La Peyronie, créateur de l’Académie de chirurgie, mort en 1747.

L’église Saint-Côme et Saint-Damien, supprimée en 1790, devint propriété nationale, et fut vendue, ainsi que son cimetière, le 12 nivôse an V. Leur superficie était de 1,060 m. La clause suivante fut insérée dans l’acte : « L’acquéreur sera tenu de donner le terrain nécessaire pour l’ouverture d’une nouvelle rue projetée, sans pouvoir exiger aucune indemnité ni diminution sur le prix de la présente vente. » — Jusqu’en 1836, l’église fut occupée par un atelier de menuiserie. À cette époque, on la détruisit pour faciliter le prolongement de la rue Racine. Sur ses dépendances ont été bâties les maisons nos 1 et 2 de la rue Racine et 1 de la rue de l’École-de-Médecine.

Aux nos 2 et 4 était situé le collège de Daimville. Il fut fondé, en 1380, par Michel de Daimville, archidiacre de l’église d’Arras, clerc ou chapelain de Charles V, pour douze écoliers : six du diocèse d’Arras et six de celui de Noyon. En 1762, il fut réuni à l’Université. Devenus propriétés nationales, les bâtiments et dépendances de ce collège furent vendus le 28 prairial an X ; ils occupaient une superficie de 676 m. 10 c. Démolis en 1820, ils ont été remplacés par les maisons nos 2 et 4.

La porte Saint-Germain, nommée successivement porte des Cordèles, des Frères Mineurs, était située un peu au-dessus de la rue Larrey, où se trouve maintenant une fontaine. Cette porte faisait partie de l’enceinte de Philippe-Auguste. On voit dans les registres de la Ville qu’en 1586, on ordonna de la fermer, et d’ouvrir celle de Buci. Elle ne fut abattue néanmoins qu’en 1672.

Au no 39 demeurait en 1792 le cordonnier Simon, désigné par la Commune de Paris pour remplir auprès du fils de Louis XVI les fonctions de geôlier. Simon devint membre du Conseil général de la Commune ; mis hors la loi après la chute de Robespierre, il fut guillotiné le 28 juillet 1794.

Dans un café de la rue des Boucheries se réunissaient autrefois, pendant la quinzaine de Pâques, les acteurs et les actrices sans emploi, qui s’y rendaient de toutes les parties de la France pour contracter des engagements avec les directeurs des théâtres de province, qui arrivaient à Paris à cette époque pour renouveler ou compléter leurs troupes.

La plus ancienne loge de francs-maçons fut établie à Paris, rue des Boucheries, chez un nommé Hure, traiteur, par lord Dervent-Waters.

[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]

Datation de la prise de vue : vers 1866.

Marville : rue de l’École de Médecine

Version haute définition : 2600 x 3005 pixels.

No 244Rue de l’École de Médecine, de la rue Dupuytren. Vers 1866.
State Library of VictoriaMusée CarnavaletBHVP (négatif)
H88.19/42CARPH000804NV-004-C-0765
27.8 x 33.927.3 x 31.828.7 x 38
vers 18771865-1868vers 1865

Position estimée