Quai de Conti, c. 1867
Quai de Conti. Paris VIe. Vers 1867.
- Date : vers 1867
- Auteur : Charles Marville (1813-1879)
- Support : tirage sur papier albuminé, 35.8 x 23.5 cm
- Collection : BHDV, anct bibliothèque de la préfecture de la Seine
Version haute définition : 3643 x 2400 pixels.
Marville est quai de Conti et photographie l’emplacement où devait aboutir le prolongement de la rue de Rennes, entre l’hôtel des Monnaies, dont on voit l’angle à gauche, et le palais de l’Institut. Entre ces deux bâtiments, nous voyons les immeubles nos 15, 17 et 19 qui sont condamnés à disparaître.
En application du décret d’utilité publique du 28 juillet 1866, la rue de Rennes, créée en 1854 du boulevard du Montparnasse à la rue de Vaugirard, devait être prolongée jusqu’au quai de Conti, débouchant naturellement entre l’Institut et la Monnaie, deux institutions qu’il était hors de question de démolir. La voie est percée en avril-septembre 1867 jusqu’à la rue du Vieux Colombier et d’octobre 1867 à avril 1868 jusqu’à la rue de l’Abbaye. Le prolongement allant de la rue de l’Abbaye au quai ne sera jamais réalisé. La chute du baron Haussmann, puis celle de Napoléon III, des ajournements successifs dans les décennies qui suivirent, l’opposition farouche de l’Institut de France en 1902 (lorsque le projet est repris à la faveur de la construction de la ligne no 4 du métropolitain), deux guerres mondiales et l’attentisme partagé des politiques et de l’administration, auront raison du prolongement de la rue de Rennes pourtant attendu. Il sera abandonné au début des années 1960.
Prolongement de la rue de Rennes entre la rue de l’Abbaye et le quai de Conti, projet de 1902. La teinte jaune indique les parties à exproprier. La teinte rose délimite la nouvelle emprise du Palais de l’Institut. [3377 x 2000 px.]
Les nos 13, 15, 17 et 19, quai de Conti, ainsi que l’impasse de Conti, devaient disparaître :
Le no 13 (le seul qui n’est pas visible sur la photographie), qui abrite depuis 1931 la galerie fondée par Katia Granoff, avait été acquis par la ville pour l’opération de prolongement (par délibération du Conseil municipal, en date du 27 juin 1913, autorisant l’acquisition amiable de l’immeuble appartenant à Mme veuve Lenormand). À la suite des scandales du “domaine privé” (on se souvient que le chef de cabinet de Jacques Chirac, Jean-Eudes Rabut, haut responsable des attributions des appartements du domaine privé de la Ville, s’était lui-même généreusement attribué la location d’un bel appartement à des conditions avantageuses dans cet immeuble communal du quai de Conti), la mise en vente par lot de l’immeuble est approuvée par le Conseil municipal en février 1997.
Le no 19 (là où l’on voit le magasin Havard Frères, fabriquant d’appareils de garde-robe — appareils que nous appellerions aujourd’hui de façon moins élégante cuvettes de w.-c. et chasses d’eau) avait également été acquis (par délibération du Conseil municipal, en date du 1er avril 1914, autorisant l’acquisition amiable de l’immeuble appartenant aux consorts Havard). Une délibération du 20 mars 1995 a autorisé la cession par voie d’adjudication publique de l’immeuble. En juillet 1998, l’Institut de France propose à la Ville la somme de 8 millions de francs pour l’acheter, ce qui est accepté par le Conseil en décembre 1998.
Les nos 15 et 17 n’ont pas été acquis par la Ville.
La statue de Condorcet sculptée par Jacques Perrin (1847-1915), que l’on voit là aujourd’hui, a été installée une première fois en 1894. Détruite sur ordre de l’administration de Vichy en 1941, elle sera refaite d’après un plâtre heureusement conservé et replacée en 1991.
Position de Marville. En pointillé orange, le projet en 1866. [1600 x 1000 px.]
CONTI (QUAI DE). Commence à la rue Dauphine, no 2, et au Pont-Neuf ; finit au quai Malaquais. Le dernier numéro est 25. Sa longueur est de 354 m. — 10e arrondissement, quartier de la Monnaie.
« Bureau de la ville. — Nous, ce jour, estant allez visiter ce qu’il est nécessaire de faire pour l’embellissement et la décoration de la ville, le quay de la rivière, despuis le bout du Pont-Neuf jusques à la porte de Nesle, suivant les résolutions pour ce prises au bureau de la ville, à la prière et requeste de M. du Plessis de Guénégaud, secrétaire d’Estat ; ce considéré que la maison appelée le Château-Gaillard empeschait en quelleque façon l’ornement du dit quay, qui ne sert d’ailleurs qu’à des divertissements publiques parmy lesquels il s’y trouve tousjours quelques désordres, joinct que la ville qui en a faict concession n’en retire pas grande utilité ; nous avons, en conséquence d’autres précédentes délibérations, résolu de la faire abbattre et de se servir des démolitions qui en proviendront pour l’establissement d’un quay qui prendra despuis le dict lieu jusques à la porte de Nesle, en desdommageant les particuliers qui y ont basty par la permission de la ville ; et vu la nécessité qu’il y avait de faire promptement travailler au dit quay et soustenir les terres qui y ont esté apportées, ce qui pourroit gaster la rivière, avons ordonné qu’il soit procédé au plustôt à la construction du dit quay. Fait au bureau de la ville, le 5 novembre 1655. »
« Bureau de la ville. — Nous estant ce jour assemblés au bureau de la ville pour donner notre advis sur les propositions et dessins qui nous ont esté présentés pour la construction de certains bastiments sur et le long du quay Malaquais, joignant la porte de Nesle, depuis icelle jusques à l’entrée de la rue de Seine, etc., sommes d’avis que l’on doit continuer le quay encommancé du costé du Pont-Neuf jusques à la tour de Nesle, et depuis ycelle le conduire aussi en ligne droite jusques à la rue des Petits-Augustins, laissant au devant de la rue un quay de la largeur de 10 à 12 thoises, conformément aux dessins ci-devant arrestez, et les alignements donnés en conséquence aux propriétaires des maisons sur le dit quay. Fait au bureau de la ville, le 10 juillet 1662. »
Ce quai, d’abord nommé de Nesle, en raison de l’hôtel de Nesle qui en occupait toute la largeur, prit le nom de Guénégaud. On le désigna ensuite sous celui de Conti, parce que l’hôtel de ce nom y avait sa principale entrée.
« 22 avril 1769. — Le quai Conti sera élargi depuis l’entrée de la rue Dauphine jusqu’à la rue Guénégaud, pour suivre l’alignement du nouvel hôtel des Monnaies, qui se construit actuellement sur l’emplacement de l’ancien hôtel de Conti, en exécution de nos lettres patentes du mois d’avril 1768, et il sera fait au mur dudit quai les changements et rectifications convenables et relatifs à la disposition de la façade dudit hôtel des Monnaies ; et il sera alors fait un pan coupé des deux côtés de la rue Dauphine, en face du Pont-Neuf. Ce même quai sera aussi élargi suivant l’alignement du nouvel hôtel des Monnaies par la suppression des deux bâtiments qui bordent les deux côtés de la place du collège Mazarin, au moyen de quoi il sera pratiqué une sortie directe de la rue de Seine sur le quai en face du Louvre, nous réservant d’ordonner par la suite une communication de la rue de Seine avec la rue de Tournon, qui se trouvent l’une et l’autre dans la même direction vers notre palais dit Luxembourg. Signé Louis. » (Extrait des lettres patentes.) Il est à regretter que des dispositions aussi utiles n’aient pas été exécutées. — « Administration centrale. Séance du 14 fructidor an VI. L’administration centrale du département, vu la lettre du commissaire du Directoire exécutif près l’administration municipale du 10e arrondissement, qui propose de changer la dénomination du quai de Conti ; le commissaire du Directoire exécutif entendu, arrête que ce quai prendra le nom de quai de la Monnaie. Le citoyen Molinos demeure chargé de l’exécution du présent arrêté. » (Registre 27, page 33.) — Deux décisions ministérielles, l’une en date du 13 février 1810, signée Montalivet, l’autre du 7 juillet 1817, ont déterminé l’alignement de ce quai. L’hôtel des Monnaies et les constructions situées entre l’impasse de Conti et l’Institut sont alignées ; le surplus est soumis à un retranchement considérable. — Un arrêté préfectoral du 27 avril 1814 rendit à cette voie publique le nom de Conti. Les travaux de reconstruction du quai ont été commencés en 1851 et complètement terminés en 1853. Il en est résulté un élargissement de la voie publique, notamment devant l’Institut, où la circulation était difficile et dangereuse. Ces travaux ont occasionné une dépense de 440,000 fr. environ.
L’hôtel de Nesle, dont cette voie publique a longtemps porté le nom, était l’un des plus vastes parmi ceux qui faisaient l’ornement du vieux Paris. Les rues de Nevers, d’Anjou et de Guénégaud ont été en partie percées et bâties sur son emplacement. Il se prolongeait le long de la rivière jusqu’à la porte et la tour nommées Philippe Hamelin, dites depuis de Nesle, et à la place desquelles on a bâti le pavillon à gauche du collège Mazarin. Brantôme nous parle d’une reine « qui se tenait à l’hôtel de Nesle, laquelle faisait le guet aux passants, et ceux qui lui plaisaient et agréaient le plus, de quelque sorte de gens que ce fussent, les faisait appeler et venir à elle, et après en avoir tiré ce qu’elle en voulait, les faisait précipiter de la tour en bas dans l’eau. Je ne peux pas dire, ajoute-t-il, que cela soit vrai ; mais la plupart de Paris l’affirme, et il n’y a personne qui ne le dise en montrant la tour. » Le poète Villon, dans sa ballade aux dames, composée en 1641, en parle ainsi :
Où est la reine,
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine ?
Si ce fait est exact, la messaline dont il est ici question est Jeanne, comtesse de Bourgogne et d’Artois, reine de France. Elle habita l’hôtel de Nesle après la mort de Philippe le Long, son mari, et y mourut en 1329. Jean Buridan, de Béthune en Artois, était un des meilleurs élèves de l’Université de Paris. S’il fut jeté dans le fleuve, il parvint à se sauver, car il en est parlé en 1348. — Ce fut aussi à l’hôtel de Nesle qu’Henriette de Clèves, femme de Louis de Gonzague, duc de Nevers, apporta la tête de Coconas, son amant, qu’on avait exposée sur un poteau dans la place de Grève. La femme adultère alla seule pendant la nuit enlever cette tête, qu’elle fit embaumer. Longtemps elle la garda dans l’armoire d’un cabinet, derrière son lit. Cette même chambre fut arrosée des larmes de sa petite-fille, Marie-Louise de Gonzague de Clèves, dont l’amant, Cinq-Mars, fut décapité en 1642.
Au quai de Conti se rattachent encore d’autres souvenirs. En vertu d’une autorisation spéciale de l’Empereur Napoléon III, en date du 14 octobre 1853, le propriétaire de la maison no 5 du quai de Conti a fait placer sur le mur de cette maison qui fait face au Pont-Neuf une inscription en lettres d’or ainsi conçue : « Souvenir historique. L’empereur Napoléon Bonaparte, officier d’artillerie, sortant de l’école de Brienne, demeurait au cinquième étage de cette maison.
[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]
Datation de la prise de vue : probablement mai-juillet 1867.
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No 226 | Quai de Conti. Vers 1867. | ||
State Library of Victoria | Musée Carnavalet | BHVP (négatif) | |
— | CARPH000810 | — | |
— | 35.9 x 23.6 | — | |
— | 1865-1868 | — |
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Voir également :
Auteur(s) de la notice : Laurent Gloaguen.
Publié initialement le samedi 22 août 2015.
Dernière mise à jour le mardi 30 mai 2017.
Article classé dans : Charles Marville > Vues du Vieux Paris.
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