Cité d’Antin, c. 1866

Marville : cité d’Antin

Cité d’Antin, de la rue de Provence. Paris IXe. Vers 1866.

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Marville se trouve devant l’entrée gauche de la cité d’Antin (au 57, rue de Provence). La cité d’Antin, voie privée en forme de U, va être écornée en 1866 par le percement de la rue La Fayette.

Le prolongement de la rue La Fayette entre les rues Laffitte et de la Chaussée d’Antin est réalisé en 1866-1867. La cité d’Antin est atteinte par les travaux en novembre-décembre 1866 (cf. Le Petit journal, no 1396, 6 décembre 1866). Les démolitions pour le percement de la rue La Fayette s’achèvent fin janvier 1867. La rue La Fayette prolongée est ouverte à la circulation en mars 1867.

La cité d’Antin avait été créée en 1829 à l’emplacement des hôtels d’Orléans et de Montesson, ce dernier ayant été en 1810 le théâtre du tragique incendie de l’ambassade d’Autriche (voir plus bas).

Au fond sur la photographie, les arbres appartiennent à un hôtel du comte Greffulhe (32, rue de la Chaussé d’Antin), propriété qui va faire les frais du percement de la rue La Fayette.

Plan cité d’Antin

ANTIN (CITÉ D’). Commence à la rue de Provence, no 63 ; finit à la rue de la Chaussée-d’Antin, no 40. — 2e arrondissement, quartier de la Chaussée-d’Antin.

Elle a été bâtie de 1829 à 1830, par la compagnie Delaunay.

[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]

L’architecte Alexandre Théodore Brongniart (1739-1813) achète en 1769 avec l’entrepreneur Jean-François Le Tellier un grand terrain à l’angle de la chaussée d’Antin et de la rue de Provence ; il y bâtit en 1770 un bel hôtel pour Madame de Montesson (1738-1806) dont l’entrée est au 40, rue de la Chaussée d’Antin. À la suite du mariage morganatique en 1773 de Madame de Montesson avec Louis-Philippe d’Orléans (1725-1785), duc d’Orléans, il est demandé à Brongniart de dessiner un nouvel hôtel, mitoyen du premier et disposant d’un théâtre, pour l’usage du duc.

Le petit hôtel du duc, dit Pavillon d’Orléans, a son entrée au 25 (aujourd’hui, no 63), rue de Provence. Il communique avec le jardin de l’hôtel de la comtesse de Montesson par une porte située à l’extrémité d’une serre. On sait que les plans de Brongniart ont été modifiés par l’architecte du prince, Henri Piètre. Après la mort du duc en 1785, la propriété devient l’hôtel du maréchal Valence-Timbrunne, possiblement amant de Madame de Montesson.

Façade de l’hôtel de Montesson

[Ci-dessus, l’hôtel de Montesson par Brongniart en 1770, élévation de la façade sur les jardins. Dessin conservé au musée Carnavalet.]

Plan de l’hôtel d’Orléans

[Ci-dessus, plan de Brongniart (1773) pour le pavillon de plaisance du duc d’Orléans, dessiné par Jean-Charles Kraft et gravé par Nicolas Ransonnette. Le plan est tourné de 180° pour avoir la rue de Provence en haut, et légendé pour plus de clarté. Le théâtre est côté rue de la Chaussée d’Antin sur ce plan, mais il est bien possible que sa disposition fut modifiée par Piètre et qu’il fut construit du côté de la rue Taitbout. Le corps de l’hôtel a été réalisé à peu près tel quel, comme en témoigne le plan Vasserot (voir plus bas). 4200 x 1457 px.]

Après la mort de la marquise, en 1806, l’hôtel de Montesson connaît au moins deux propriétaires qui se succèdent rapidement (Ouvrard puis Michel) avant d’être vendu (ou loué ?) en 1810 au prince Charles Philippe de Schwarzenberg (1771-1820), ambassadeur d’Autriche.

Le 1er juillet 1810, l’ambassade d’Autriche donne à l’hôtel une grande fête en l’honneur du mariage de Napoléon et Marie-Louise, union qui avait été célébrée le 1er avril précédent au château de Saint Cloud.

Le nombre d’invités étant imposant (environ 1500), on a fait construire pour l’occasion une grande salle de bal temporaire dans le jardin. “Le rez-de-chaussée de l’hôtel ne se trouvant pas assez vaste, l’architecte du prince avait fait construire dans le jardin une grande salle de bal en bois, à laquelle on arrivait à la suite des appartements par une galerie également en bois. Les plafonds de cette galerie étaient figurés en papier vernis et parfaitement décorés de peintures et d’ornements ; les planchers, élevés au niveau des appartements, étaient supportés par des charpentes. Un lustre énorme était suspendu au milieu de la salle de bal ; les deux côtés des galeries et tout le pourtour de la salle étaient éclairés par des demi-lustres appliqués contre les murailles.” (Eusèbe Girault de Saint-Fargeau, 1844.)

Plan de l’hôtel de Montesson

[Ci-dessus sur l’atlas Vasserot, vers 1810-1820, l’hôtel de Montesson et son jardin figurent en vert. Au-dessus, en rose pâle, ce qui reste à l’époque du pavillon d’Orléans qui avait alors perdu son théâtre, ses serres chaudes et jardins. La funeste salle de bal est construite entre l’escalier côté jardin de l’hôtel de Montesson et ce qui est possiblement un réservoir que l’on voit à droite. 2576 x 2101 px.]

Vers minuit lors du grand bal, un rideau de mousseline s’enflamme, probablement au contact des bougies d’une girandole, et le feu se communique immédiatement aux décorations du plafond puis au toit couvert de toile goudronnée. On évacue rapidement l’empereur et l’impératrice. En moins de trois minutes, la salle s’embrase en totalité. L’assistance paniquée tente par tous les moyens de fuir, ce qui devient difficile, car la galerie d’entrée est alors la proie des flammes et qu’il n’y a qu’une autre sortie, très encombrée, côté rue Taitbout. Des gouttes de goudron en feu pleuvent sur les gens, infligeant de graves brûlures. C’est ensuite le grand lustre en bronze qui tombe, puis le parquet qui commence à s’effondrer.

[…] Cette réunion de personnes embrasées était affreuse à voir. J’avais pu sortir facilement des premiers, en dirigeant la comtesse Sandizelle et Mme de Mathis, qui n’eurent aucun accident, et je revins à la porte du salon pour arracher des victimes au fléau qui les dévorait. Une des premières que je pus entraîner fut le malheureux prince Kourakin, ambassadeur de Russie, qui était dans un état horrible : une de ses mains dépouillée et ensanglantée s’appuya sur ma poitrine et y laissa toute son empreinte. Sous son corps gisaient plusieurs dames à demi-brûlées ; on les arrachait avec peine, du milieu des flammes, où les épées des hommes accrochaient les vêtements et gênaient la délivrance. De toute part, des cris déchirants de douleur et de désespoir étaient jetés par des mères appelant leurs filles, des maris leurs femmes. Le jardin, éclairé comme en plein jour, fut à l’instant même rempli de personnes se cherchant à grands cris, et fuyant le brasier pour éteindre leurs vêtements. Deux mères, la princesse de Schwartzenberg et la princesse de Layen, poussées par l’héroïsme de la tendresse maternelle, ne trouvant pas leurs filles dans le jardin, se précipitèrent sous les flammes pour les chercher dans le salon embrasé ; la voûte s’écroula sur elles, et la princesse de Layen, seule, put en sortir pour mourir une heure après.

La princesse de Schwartzenberg, perdue pour tout le monde dans cet affreux moment, ne fut retrouvée et reconnue qu’à ses diamants dans les cendres de l’incendie ; son corps était si défiguré qu’on ne put la reconnaître qu’à ses parures. Son diadème s’était fondu par la chaleur et sa monture d’argent, en fondant, avait laissé sa trace en creux sur le crâne. Plusieurs dames moururent dans la même nuit, et d’autres longtemps après, dans des souffrances affreuses. Les hommes, un peu mieux garantis par leurs vêtements, eurent un peu moins à souffrir. Le prince Kourakin, l’un des plus maltraités, fut plus de six mois à se rétablir, et Mme la comtesse Durosnel ne s’en releva que plus d’un an après.

[Mémoires du général Lejeune. Paris, Firmin-Didot et Cie, 1896.]

L’incendie provoqua sans doute des dizaines de morts, et de nombreux blessés, mais il n’est pas fait état d’un bilan officiel, peut-être pour ne pas nuire aux relations franco-autrichiennes ; on craint aussi fortement un rapprochement avec les 132 morts lors des fêtes du mariage de Louis XVI et Marie-Antoinette, ce qui serait assurément un mauvais présage. Dans ses mémoires (1830), le valet Constant note que Marie-Louise “exprima la crainte que le terrible accident de cette nuit ne fût l’annonce d’événements funestes, et elle conserva longtemps cette appréhension”.

Ce désastre est très similaire à celui du Bazar de la Charité en 1885 : installation provisoire, salle en bois, décorations très combustibles, toile goudronnée et victimes aristocrates.

Les deux hôtels sont démolis vraisemblablement en 1829, après leur achat par la compagnie Delaunay qui fait lotir à la place la cité d’Antin.

Datation de la prise de vue : vers 1866, avant novembre 1866.

No 168Cité d’Antin, de la rue de Provence. Vers 1866.
State Library of VictoriaMusée CarnavaletBHVP (négatif)
CARPH000409
27.8 x 35
1865-1868

Position estimée

Voir également :