Halle au blé, c. 1868

Charles Marville : la Halle au blé

Candélabre à lanterne à huit pans. Halle au blé. Paris Ier. Circa 1868.

Version haute définition : 2500 x 3019 pixels.

De la “Collection des appareils d’éclairage au gaz établis sur la voie publique”, 1878.

Modèle de candélabre en fonte à base octogonale dessiné par Hittorff pour l’avenue des Champs-Élysées. Le petit candélabre tripode à droite est le modèle qu’on retrouve sur le pont des Arts.

La Halle au blé a été construite de 1763 à 1767 sur des plans de Nicolas Le Camus de Mézières (1721-1789), à l’emplacement de l’Hôtel de Soissons, construit de 1573 à 1578 pour Catherine de Médicis (Hôtel de la Reine), dont il reste encore de nos jours la colonne de l’Astrologue. Sa cour centrale est couverte d’un dôme en bois en 1782-1783 (Legrand et Molinos), reconstruit en fer après un incendie en 1802 (Brunet et Bélanger, 1806-1811).

Faute d’activité suffisante, elle ferme en 1873. Le bâtiment sera presque entièrement reconstruit en 1887-1889 par l’architecte Henri Blondel (1821-1897) pour abriter la Bourse de commerce.

Détail du plan de halle couverte et incombustible, 1763

BLÉ (HALLE AU). Située rue de Viarme. — 4e arrondissement, quartier de la Banque.

La Halle au Blé a été construite sur l’emplacement de l’hôtel de Soissons. Cet hôtel n’est pas sans quelque célébrité dans nos annales parisiennes ; il occupait tout l’emplacement limité par les rues du Four, des Deux-Écus et de Grenelle ; son entrée principale était dans la rue du Four. Les cours et les jardins s’étendaient depuis la rue d’Orléans jusqu’à la Croix-Neuve, près de la place Saint-Eustache. Ses dépendances avoisinaient l’église de ce nom et la rue Coquillière. L’histoire de cette vaste habitation se divise en cinq parties. Elle fut connue successivement sous les noms d’hôtel de Nesle, de Bohême, d’Orléans, de la Reine et de Soissons. Jean II, seigneur de Nesle, fit construire au commencement du XIIIe siècle, une petite habitation sur un terrain planté de vignes. Ce premier hôtel consistait en un simple bâtiment flanqué de quatre tours. En 1232 le seigneur de Nesle en fit présent à saint Louis. Par une charte de la même année, le Roi céda cet hôtel à sa mère, Blanche de Castille. En 1296, Philippe le Bel le donna à Charles, comte de Valois, son frère, qui le céda à Philippe, son fils. Par lettres datées du Louvre-lez-Paris, Philippe, régent du royaume, en fit don à Jean de Luxembourg, roi de Bohême, fils de l’empereur Henri VIII. Ces lettres sont ainsi conçues : « Philippe Quens de Valois et d’Anjou, régens les royaumes de France et de Navarre, faisons sçavoir à tous présents et à venir, que nous, de notre propre libéralité, avons donné et donnons à noble prince, notre très chier et féal Jehan, roi de Behaigne, et à ses hoirs nés et à nestre, descendant de droite ligne de son propre corps, héréditablement et perpétuellement, nostre meson qui est dicte Néelle, séant à Paris, entre la porte Saint-Honoré et la porte de Montmartre, ensemble tous nos jardins et les appartenances tenant à la dicte meson, sans rien retenir à nous en possession ne en propriété, excepté la justice de la souveraineté, laquelle nous réservons et retenons par devers nous, etc.… » — Cette habitation prit alors le nom d’hôtel de Bohême. Le 26 août 1336, Jean de Luxembourg fut tué à la bataille de Crécy. La propriété de l’hôtel de Bohême revint à la couronne par le mariage de Bonne de Luxembourg, fille du roi de Bohême, avec Jean, duc de Normandie. Devenu roi, Jean habita quelque temps l’hôtel de Bohême ou de Nesle, ainsi que le constatent des lettres patentes du mois de novembre 1356, données Parisis, in hospitio nostro de Negella. Le 5 février 1355, le roi Jean fit cession au comte de Savoie, Amédée II, de son hôtel de Bohême, qui passa ensuite à Louis, deuxième fils du roi Jean. La veuve de Louis d’Anjou, tante de Charles VI, vendit cette habitation au Roi moyennant 1,200 livres. Charles VI la céda à Louis de France, alors duc de Touraine, depuis duc d’Orléans. L’hôtel de Bohême changea son nom et prit celui d’Orléans. Il appartenait en 1499 au roi Louis XII. L’année suivante le Roi donna une partie de son hôtel d’Orléans aux religieuses Pénitentes, et céda l’autre partie à Robert de Framezelles. Aucun changement n’eut lieu jusqu’au règne de Charles IX. Les astrologues avaient prédit à Catherine de Médicis qu’elle mourrait près d’un endroit qui porterait le nom de Saint-Germain. Aussitôt la reine-mère voulut quitter les habitations qui rappelaient Saint-Germain. On la vit abandonner successivement le Louvre et les Tuileries, en raison de leur proximité de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. Catherine de Médicis jeta les yeux alors sur le couvent des Filles-Pénitentes. Le 4 novembre 1572, un contrat d’échange fut passé entre la reine-mère, les religieux de Saint-Magloire qui habitaient la rue Saint-Denis, et les Filles-Pénitentes. — Au mois de décembre suivant, Charles IX ratifia cet échange, par lequel la reine abandonna aux religieux de Saint-Magloire un terrain situé près de l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas. En contre-échange, ces religieux laissèrent aux Filles-Pénitentes leur monastère de la rue Saint-Denis, et la reine prit possession du couvent de la rue du Four. Catherine acheta l’hôtel d’Albret, fit supprimer une partie des rues d’Orléans et des Étuves, et prolonger celle des Deux-Écus, depuis la rue d’Orléans jusqu’à la rue de Grenelle. Alors s’éleva un hôtel magnifique, construit sur les dessins de Jean Bullant et de Salomon de Bresse. L’habitation de Catherine reçut le nom d’hôtel de la Reine. « Le bâtiment qu’elle entreprit, dit Sauval, parut si magnifique, que dans tout le royaume, alors, il ne le cédait qu’au Louvre et à son palais des Tuileries ; elle le rendit si commode qu’on y compte cinq appartements des plus grands… On y entre par un portail aussi grand que superbe ; quoique imité de celui du palais de Farnèse à Caprarolle, il passe néanmoins pour un des chefs-d’œuvre de Salomon de Bresse, l’un des meilleurs architectes de notre temps, etc.… » Après la mort de Catherine de Médicis, son hôtel échut par succession à sa petite-fille, Christine de Lorraine, femme de Ferdinand Ier, grand-duc de Toscane. Mais la reine-mère avait laissé des dettes si considérables, qu’on fut obligé de vendre son hôtel. Catherine de Bourbon, sœur de Henri IV et créancière de la défunte, l’acheta en 1601. Il fut adjugé, par décret du 21 janvier 1606, à Charles de Bourbon, comte de Soissons. Cette résidence, réparée et agrandie, prit le nom d’hôtel de Soissons, qui lui est resté jusqu’à l’époque de sa démolition. Au commencement du dix-huitième siècle, il passa au prince de Carignan, et sous la régence Law en fit la succursale de ses opérations financières. Par suite du discrédit des actions de la banque, le prince de Carignan fut ruiné, et son hôtel vendu après sa mort à divers particuliers. Lettres patentes du Roi en forme de déclaration portant établissement dans la ville de Paris d’une nouvelle halle aux bleds et d’une gare pour les bateaux. Données à Versailles le 25 novembre 1762. — « Louis, etc.… Occupé, à l’exemple des rois nos prédécesseurs, de tout ce qui peut augmenter la splendeur de la capitale de notre royaume, et procurer à ses habitants de nouveaux agréments et de plus grandes commodités, nous avons porté successivement notre attention sur les différents objets d’utilité et de décoration qui peuvent encore rester à désirer parmi tant d’édifices et de monuments consacrés à la piété, à l’utilité et à la magnificence publique, entrepris ou achevés de notre règne. Nous n’avons jamais perdu de vue ceux qui peuvent assurer et augmenter l’abondance des choses nécessaires à la vie des citoyens, et qui, par l’affection réciproque que nous devons à nos peuples, tiendront toujours le premier rang dans notre cœur ; c’est dans cet esprit que pour suppléer au peu de commodité des halles actuelles, devenues beaucoup trop resserrées par l’agrandissement successif de Paris, nous avons dès le mois d’août 1755, par nos lettres patentes enregistrées au parlement, ordonné à nos très-chers et bien-aimés les Prévôt des marchands et échevins de notre bonne ville de Paris, de faire l’acquisition du terrain où était ci-devant l’hôtel de Soissons, et de l’employer à la construction d’une nouvelle halle, etc. À ces causes, etc. — Article 1er. Lesdits Prévôt des marchands et échevins feront incessamment construire une halle pour les grains et farines dans l’emplacement de l’hôtel de Soissons, dans un espace de 1,800 toises de superficie, conformément au plan par nous adopté, etc.… » — Art. 14. Ordonnons qu’en présence desdits Prévôt des marchands et échevins, et en celle de M. Deniset, président des trésoriers de France, que nous avons commis à cet effet, il sera, par le maître général des bâtiments de la ville, tracé de nouvelles rues pour les abords et au pourtour de ladite halle, ensemble une nouvelle place au milieu d’icelle, le tout dans les endroits, longueurs et dimensions indiqués par le plan qui sera par nous approuvé. Voulons que les acquéreurs des terrains dont nous avons ordonné la revente par l’article 4 des présentes soient tenus de prendre pour les maisons, clôtures et autres bâtiments qu’ils y feront construire, les alignements qui leur seront donnés et établis par M. le maître général des bâtiments, en présence des susdits commissaires, et quant aux pentes du pavé desdits nouvelles place et rues, voulons qu’elles soient établies et réglées en présence des mêmes commissaires par ledit maître général des bâtiments de la ville, et par l’inspecteur général du pavé d’icelle, etc.… Données à Versailles, le 25me jour de novembre, l’an de grâce 1762, et de notre règne le 48me. Signé Louis. » Les nouveaux percements indiqués dans ces lettres patentes furent exécutés en 1765, et reçurent les noms de Babille, Devarenne, Mercier, Oblin, Sartines, Vannes et de Viarme.

La Halle au Blé, commencée en 1763, fut terminée en 1767, sur les dessins et sous la direction de Camus de Mézières. C’est un bâtiment de forme circulaire, ayant 68 m. de diamètre hors œuvre. Il est percé de 25 arcades. On monte par deux escaliers d’une construction remarquable à une galerie où sont déposés les menus grains dans des corridors voûtés et construits en briques. Pour mettre à l’abri les marchandises déposées dans la cour, on résolut de couvrir cette construction d’une coupole. MM. Legrand et Molinos s’acquittèrent avec talent de ce travail, qui fut terminé en 1783. Cette coupole, construite en bois, fut incendiée en 1802. Un décret impérial du 4 septembre 1807 porte ce qui suit : « La Halle aux Bleds de la ville de Paris sera couverte au moyen d’une charpente en fer, dont les arcs verticaux seront en fer fondu. Elle sera couverte en planches de cuivre étamé. Signé Napoléon. » Cette charpente, exécutée sous la direction de M. Brunet, a été terminée à la fin de 1811. Les 25 fenêtres de l’ancienne coupole ont été remplacées par une lanterne qui éclaire la rotonde. — La Halle au Blé occupe une superficie de 3,665 m.

Un débris curieux de l’ancien hôtel de la Reine est adossé à la Halle au Blé, c’est la colonne dite de Médicis. Elle est surmontée d’un chapiteau toscan. Ses cannelures étaient couvertes d’emblèmes sculptés, tels que lacs d’amour, couronnes et fleurs de lis, miroirs brisés, chiffres enlacés (C. H.). Une sphère d’un diamètre considérable dominait la plate-forme, à laquelle on montait par un escalier à vis pratiqué dans l’intérieur du fût. Cette colonne, construite par Bullant, servait d’observatoire à la veuve de Henri II, qui s’y livrait à des études astrologiques. — Lors de la démolition de l’hôtel de Soissons, la colonne de Médicis aurait été détruite par le vandalisme, si un amateur éclairé des arts, M. Petit de Bachaumont, n’eût acheté ce reste précieux de l’architecture du seizième siècle. Cet honorable citoyen en fit hommage à la Ville de Paris. Les Prévôt des marchands et échevins n’acceptèrent l’offre de M. de Bachaumont qu’à la condition de lui rembourser le prix de son acquisition, qui s’élevait à 1,800 livres. C’est sous la prévôté de messire Armand-Jérôme Bignon que la colonne de Médicis fut adossée à la Halle au Blé.

[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]

Plan de halle couverte et incombustible, 1763

[Nicolas Le Camus de Mézières. “Plan de halle couverte et incombustible en l’emplacement de l’hôtel de Soissons.” Vers 1763. BNF, Paris. 3409 x 4508 px.]

Plan des Halles couvertes et incombustibles pratiquées pour les grains, farines et grenailles

[Nicolas Le Camus de Mézières. C. Poulleau, graveur. “Plan des Halles couvertes et incombustibles pratiquées pour les grains, farines et grenailles, en l’emplacement de l’ancien Hôtel de Soissons, quartier de St Eustache.” Vers 1765. BNF, Paris. 3740 x 4880 px.]

Le bâtiment de Le Camus de Mézières et sa coupole en fer de 1811, due à François-Joseph Bélanger et à François Brunet, étaient très admirés des architectes. La vieille Halle au blé était pleinement intégrée au projet de Halles centrales de Victor Baltard et Félix Callet (1853), qui la considéraient comme une “tête de ligne de l’ensemble des constructions” :

En 1762, les magistrats de la ville de Paris acquéraient, en vertu de lettres patentes, et pour la somme de 28,367 livres, l’emplacement de l’ancien hôtel de Soissons, situé rue de Viarmes, et démoli en 1748, après la mort de Victor-Amédée de Savoie, son dernier propriétaire. Sur ces emplacements, la ville faisait construire un édifice destiné à la vente et à l’entrepôt des blés et des farines. Commencée en 1763, cette nouvelle halle, de forme circulaire, fut achevée en 1772, sur les dessins et sous la direction de Le Camus de Mézières. La face extérieure de ce monument a le caractère massif et solide des édifices destinés à l’utilité publique datant de la même époque. Elle est percée de 28 arcades au rez-de-chaussée, et d’autant de fenêtres qui éclairent l’étage supérieur. On monte à cet étage par deux escaliers, placés à égale distance l’un de l’autre, et très remarquables par leur appareil. Chaque étage est couvert de voûtes composées en pierres de taille et en briques. La coupole, telle que nous la voyons aujourd’hui, fut élevée en 1812, sur les dessins de M. Brunet, habile architecte. Construite avec des fermes de fer coulé, et couverte de lames de cuivre, cette nouvelle coupole a remplacé l’ancienne charpente, détruite par le feu en 1802. Grâce à ce procédé, un pareil accident n’est plus à craindre.

[…] L’ensemble de cette immense construction [les nouvelles Halles centrales], lorsqu’elle sera achevée, comprendra deux grands corps de halles, composé chacun de six pavillons. Le corps de l’Est est terminé ; le corps de l’Ouest, qui sera à peu près semblable au premier, est en cours d’exécution.

La Halle au blé, dont nous avons donné plus haut une description détaillée, subsiste dans le plan général, et formera pour ainsi dire la tête de l’ensemble des constructions. La forme circulaire de ce monument a obligé les architectes à donner la forme concave aux façades de deux pavillons qui relieront les Halles centrales à la Halle au blé.

[Victor Baltard et Félix Callet. Monographie des Halles centrales de Paris construites sous le règne de Napoléon III. Paris, A. Morel, 1862.]

Halles centrales, intégration de la Halle au blé au corps de l’ouest, 1863

[Victor Baltard et Félix Callet. Halles centrales, intégration de la Halle au blé au corps de l’ouest, 1863. 1603 x 2000 px.]

Les deux derniers pavillons des Halles centrales, prévus par Baltard (à droite sur le plan ci-dessus), ne seront construits qu’en 1935.

Démolition de la Halle au blé, 1887

[Pierre Emonds. Démolition de la Halle au blé, rue Sauval, de la rue des Deux Écus, 5 août 1887. Musée Carnavalet. 2200 x 2772 px.]

Démolition de la Halle au blé, 1887

[Pierre Emonds. Démolition de la Halle au blé, vue dans l’axe de l’ancienne rue Babille, 22 août 1887. 2820 x 2000 px.]

Abords de la Bourse de commerce, 1905

[Abords de la Bourse de commerce, extrait du plan parcellaire de la ville de Paris, 1905. 2098 x 2505 px.]

No E43Candélabre à lanterne à huit pans. Halle au blé. Circa 1868.
State Library of Victoria
H2011.78/43
Musée Carnavalet
BHVP (négatif)
NV-004-C-0140

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