Rue de la Michodière, c. 1866
Rue de la Michodière, de la rue Neuve Saint Augustin. Paris IIe. Circa 1866.
- Date : circa 1866
- Auteur : Charles Marville (1813-1879)
- Format : tirage 2014 d’après négatif restauré numériquement, 26.4 x 28 cm
- Collection : GDC
Version haute définition : 2600 x 2754 pixels.
Marville se trouve Neuve Saint Augustin, au coin de la rue Gaillon.
La rue de la Michodière va être coupée en 1868 (au niveau du coude que l’on voit au fond) par le prolongement de la rue Réaumur (baptisé rue du Dix Décembre en 1869, aujourd’hui rue du Quatre Septembre).
DELAMICHODIÈRE (RUE). Commence à la rue Neuve-Saint-Augustin, no 28 ; finit au boulevard des Italiens, nos 31 et 33. Le dernier impair est 29 ; le dernier pair, 24. Sa longueur est de 217 m. — 2e arrondissement, quartier Feydeau.
« Louis, etc… Ordonnons ce qui suit : — Article 1er. Il sera ouvert et formé une nouvelle rue sous le nom de rue Delamichodière, sur l’emplacement des bâtiments, cours et jardins de l’hôtel de Deux-Ponts, dont un côté aboutira rue Neuve-Saint-Augustin en face de la rue de Gaillon, et de l’autre sur le rempart de la ville, près la Chaussée-d’Antin ; ladite nouvelle rue sera alignée dans la direction de celle de Gaillon, dans la moitié environ de sa longueur, où elle formera coude et sera continuée jusqu’au rempart dans une direction parallèle au mur qui sépare actuellement ledit hôtel de Deux-Ponts de l’hôtel de Richelieu, sans aucun pli ni coude ; sa largeur sera de vingt-quatre pieds, etc. — Art. 3. Le premier pavé de ladite rue étant fait aux dépens des propriétaires actuels (les héritiers de Christian IV, duc de Deux-Ponts), ou de ceux qui acquerront les emplacements le long de ladite rue, et suivant les conditions du bail du pavé de Paris, sera à l’avenir, pour son entretien et renouvellement, compris en l’état du pavé à notre charge, etc. Donné à Versailles le 8e jour d’avril, l’an de grâce 1778. signé Louis ; et plus bas, par le Roi, signé Amelot. » Ces lettres patentes furent registrées au Parlement le 17 juin suivant, et la rue fut ouverte au mois d’août de la même année. Une décision ministérielle du 28 ventôse an IX, signée Chaptal, fixa la largeur de cette voie publique à 10 m. En vertu d’une ordonnance royale du 9 août 1844, la moindre largeur de la rue Delamichodière devra être portée à 12 m. Les maisons nos 1, 3, 5 et 22 sont alignées.
Messire Jean-Baptiste Delamichodière, chevalier, comte d’Hauteville, etc…, conseiller d’État, exerça les fonctions de Prévôt des marchands de 1772 à 1778.
[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]
Rue Delamichodière, Delamichaudière, de la Michaudière ou de la Michodière ?
Le nom de cette rue devrait être orthographié Delamichodière.
Je l’ai déjà dit plusieurs fois, mais je ne saurais trop le répéter, les rues de Paris sont un immense livre d’énigmes ; à chaque pas on y trouve une charade, dont personne ne vous dit le mot ; enfin, il n’est pas un coin de rue avec son écriteau problématique, qui ne semble se poser devant vous comme un point d’interrogation, en quête d’une réponse. Une lettre adressée à l’un de nos confrères en chronique, à laquelle il nous pria de répondre pendant son absence, est une preuve nouvelle des singulières préoccupations de curiosité qui sont à chaque instant éveillées par ce vaste questionnaire toujours ouvert. Voici d’abord la lettre :
« Monsieur,
« Quoique étranger, j’ai une sainte horreur pour les fautes d’orthographe qu’on peut faire en français, et, autant qu’il m’est possible, je les fuis. Seriez-vous assez bon pour venir à mon aide dans une circonstance où le dictionnaire lui-même ne saurait me tirer d’embarras ?
« Au centre de Paris, se trouve une rue, qui donne sur le boulevard des Italiens, presqu’en face de la rue du Helder.
« Cette rue, monsieur, fait mon tourment : un de mes amis demeure au no 15 de la malheureuse ; toutes les fois que j’ai besoin de lui écrire, je ne sais comment orthographier l’adresse.
« Cet état de choses m’étant insupportable, je me décide à me faire, pour une fois, dénonciateur ; j’assigne donc, monsieur, devant le tribunal de votre esprit et de votre savoir, cette malheureuse rue, afin que vous vouliez bien aviser, autant qu’il peut être en vous, à la rectification de son état civil, de telle sorte qu’elle puisse rentrer dans les conditions normales que toute honnête rue doit offrir.
« Cette rue, monsieur, c’est la rue de la… Bon, voici l’embarras, enfin, c’est la rue de la Michodière… ou de la Michaudière !!!
» That is the question!
« Que faut-il mettre ? O ou bien au ? Chodière ou chaudière ? Cette coquine de rue porte, en débouchant sur le boulevard, et ainsi que toutes ses pareilles, deux écriteaux : l’un me fait lire rue de la Michodière, écrit en lettres blanches sur un fond gros bleu, tandis que l’autre, en lettres tout à fait semblables et sur un fond non moins gros bleu, me présente : rue de la Michaudière.
« Que faire ? Comment lire, et surtout comment écrire ? !!! Je pencherais pour la chaudière ; mais si je me trompais !
« Il est vrai que pour fixer mon incertitude, il me suffirait d’aborder le premier sergent de ville venu, et de lui demander à consulter son petit livre, pour savoir comment s’écrit le nom de la rue en question ; mais bien que logeant dans la poche d’une autorité, ce livre ne saurait pas en être une pour moi : c’est pourquoi j’ose vous importuner, monsieur, et attendre de votre obligeance que vous vouliez bien mettre fin à mon supplice.
« Agréez, etc. »
Ce n’est pas la première fois que la maudite rue, grâce à son nom baroque et à l’orthographe plus baroque encore de ce nom, me fait poser des questions semblables à celle qui fait l’objet de cette lettre, si spirituellement humoristique.
— Qu’est-ce que c’est donc qu’une Michodière ? me disait un jour un homme fort instruit en bien des choses, mais assez peu savant toutefois pour ce qui regarde l’histoire de Paris.
Voici la réponse que je lui fis, et dont il se montra satisfait ; j’espère que notre correspondant le sera de même.
Il y avait une fois, c’est-à-dire en 1772, un secrétaire d’État, prévôt des marchands de la bonne ville de Paris, qui s’appelait M. Delamichodière. Remarquez bien l’orthographe de ce nom, écrit d’un seul mot, ce sera déjà un point éclairci.
M. Jean-Baptiste-François Delamichodière, né le 2 septembre 1720, n’en était pas à sa première charge quand il était arrivé à la prévôté de Paris. Il avait commencé par l’intendance de Riom, d’où il était passé à celle de Lyon, en 1757. C’était un économiste distingué, s’occupant peut-être assez mal du bien-être des populations à lui confiées, mais fort soucieux au moins de les étudier au point de vue de la statistique. Il avait été à ce sujet en correspondance avec Voltaire ; et il paraît que l’ouvrage in-4o publié en 1764, avec ce titre, Recherches sur la population des généralités d’Auvergne, de Lyon, de Rouen, était moins de Massance, sous le nom duquel il parut, que de M. Delamichodière, et de l’abbé Audra, son collaborateur pour ce genre de travaux. Comme la théorie fait croire à la pratique ; comme on se persuade aisément qu’un homme est bon administrateur, parce qu’il écrit sur l’administration, la place de prévôt des marchands, ou plutôt de ministre de Paris, ainsi qu’on disait alors, étant devenue vacante, en 1772, on crut devoir y nommer M. Delamichodière.
Pendant la première année qu’il était en charge, on projeta d’ouvrir vers le boulevard Bonne-Nouvelle, tout près du cimetière des protestants dont le théâtre du Gymnase occupe le terrain, trois rues qui étaient destinées, les deux premières, à relier ensemble le faubourg Saint-Denis et le faubourg Poissonnière, et la troisième, à faire communiquer les deux autres avec cette pauvre rue Basse-Porte-Saint-Denis, que le boulevard absorba, il y a vingt ans à peu près, en élargissant sa marge. De même qu’on cherche un parrain à un enfant longtemps avant qu’il soit au monde, on se demande souvent, avant qu’une rue soit percée, comment l’appellerons-nous?
Pour la première des trois dont il s’agit, l’embarras ne fut pas grand. Un duc d’Enghien, le dernier et le plus infortuné de ceux qui ont porté ce nom illustre, venait de naître à Chantilly. On ne fit qu’un seul baptême, le prince et la rue prirent le même nom, avec cette seule différence que le petit duc était bel et bien au monde, tandis que la rue n’exista réellement que treize ans plus tard.
Pour la seconde, l’inscription n’était pas difficile à trouver ; c’est sur l’ancien fief de l’Échiquier qu’on en prenait le terrain, il était donc naturel qu’il fournît aussi le nom.
Pour la troisième, quel parrain choisir ? M. Delamichodière se proposa, et il fut accepté de grand cœur, d’autant mieux qu’en sa qualité de prévôt il aurait fort bien pu s’imposer.
Malheureusement, les choses traînèrent en longueur.
Soit que les religieuses du couvent des Filles-Dieu, à qui le terrain appartenait et qui étaient fort tenaces en fait de propriété, ne voulussent pas se dessaisir ; soit que la ville manquât d’argent, ou bien encore, que l’entrepreneur des bâtiments du roi, Claude-Martin Groupy, qui s’était chargé des travaux, ne fût pas en mesure de tenir ses conventions, on mit plus de douze ans à passer du projet à son exécution. C’est plus qu’il n’en faut pour qu’un administrateur ait le temps d’user son crédit et de perdre sa place.
En 1778, M. Delamichodière en était arrivé là. Dès le mois d’avril, on parlait de lui donner pour successeur M. de Blaire de Boismont, qui toutefois ne le fut pas. Notre prévôt n’avait donc pas une minute à perdre, s’il voulait enfin signaler son édilité, et surtout en laisser un souvenir durable sur l’écriteau d’une rue de Paris. Il prit un parti décisif. Puisqu’on s’obstinait à ne tracer que sur le papier la rue projetée au travers du terrain des Filles-Dieu, il provoqua sur un point tout opposé du boulevard l’ouverture d’une rue, où son impatience d’être parrain trouverait enfin à se satisfaire.
La ville, sur ses instances, acheta, tout près du pavillon de Hanovre, le vaste hôtel qui, après avoir appartenu au maréchal duc de Lorges, était devenu la propriété du prince des Deux-Ponts ; on le jeta par terre, et la rue tant rêvée par le prévôt fut tracée sur l’espace laissé vide.
Le 8 avril 1778 parut une ordonnance royale, dont voici le premier article :
« Il sera ouvert et formé une nouvelle rue sous le nom Delamichodière, — remarquez de nouveau comment ce nom est écrit ; ici, c’est l’orthographe officielle — Cette rue sera bâtie sur l’emplacement des bâtiments, cours et jardins de l’hôtel des Deux-Ponts. »
Il était temps : quatre mois après, M. Delamichodière n’était plus prévôt des marchands ; le 17 août de la même année, on lui donnait un successeur.
Mais que devint, me direz-vous maintenant, le projet de rue dont l’ajournement avait si longtemps fait son désespoir ? Vous allez le savoir, et connaître en même temps à quel point ce bon M. Delamichodière était un homme heureux. Il lui fut donné, ce qui n’arriva presque jamais, d’être parrain de deux rues de Paris ; et pour la seconde, chose plus singulière, il eut ce privilège lorsqu’il n’était plus en charge depuis cinq ans.
En 1783, la rue tant ajournée fut enfin ouverte sur le terrain des Filles-Dieu ; un nom lui devenait alors réellement nécessaire ; le plan lui donnait celui de l’ancien prévôt ; mais puisque l’autre, plus pressée de naître, s’en était emparée, force était de se pourvoir ailleurs. On se souvint que M. Delamichodière avait acquis, à quelque quarante ans de là, en Champagne, du côté de Vitry-le-Français, le magnifique domaine d’Hauteville, ancienne propriété des Guises, et qu’en 1751, Louis XV, par faveur spéciale pour notre prévôt, l’avait érigé en comté. Ne pouvant plus donner à la rue le nom de l’homme, on lui donna celui de son domaine, et voilà comment elle s’appelle encore rue d’Hauteville. Remarquez bien encore l’orthographe de ce nom, respectez surtout la particule ; si vous l’omettiez, l’ombre de M. Delamichodière, comte d’Hauteville, ne vous le pardonnerait pas.
Je ne sais que M. Louis Vivien à qui, sous Louis XIV, échut, comme au prévôt de 1772, la double fortune d’être le parrain de deux rues de Paris. L’une est la rue Vivienne, pour laquelle il avait tout droit de parrainage, puisqu’elle était percée sur des terrains dépendants de son fief de la Grange-Batelière, l’autre est la rue Saint-Marc, qui porte le nom d’une terre dont il était seigneur.
[Édouard Fournier. Énigmes des rues de Paris. Paris, E. Dentu, 1860.]
Le percement d’une nouvelle voie, appelée rue Réaumur prolongée, entre les places de la Bourse et de l’Opéra, est décrété par l’Empereur le 24 août 1864. Le plan parcellaire des propriétés à exproprier pour le “prolongement de la rue de Réaumur, de la place de la Bourse jusqu’au débouché de la rue de la Paix”, est publié par le préfet Haussmann le 12 août 1867. La section entre la place de l’Opéra et la rue de Grammont est percée d’avril à juin 1868 et est ouverte à la circulation en août 1868.
Datation de la prise de vue : probablement pendant l’été 1866.
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No 108 | Rue de la Michodière, de la rue Neuve Saint Augustin. Vers 1866. | ||
State Library of Victoria | Musée Carnavalet | BHVP (négatif) | |
— | CARPH000458 | NV-004-C-0256 | |
— | 27.7 x 30.7 | 28.6 x 37.9 | |
— | 1865-1868 | 1865-1867 |
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Voir également :
Auteur(s) de la notice : Laurent Gloaguen.
Publié initialement le dimanche 2 novembre 2014.
Dernière mise à jour le lundi 15 juin 2015.
Article classé dans : Charles Marville > Vues du Vieux Paris.
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