Rue de la Fontaine Molière, 1866
Rue de la Fontaine Molière, vers la rue de Richelieu. Paris Ier. 1866.
- Date : 1866
- Auteur : Charles Marville (1813-1879)
- Format : tirage 2014 d’après négatif restauré numériquement, 27.9 x 31.9 cm
- Collection : GDC
Version haute définition : 2600 x 2973 pixels.
En 1866, la rue de la Fontaine Molière (renommée rue Molière par décret du 27 février 1867) va être amputée à son début d’environ un tiers de sa longueur (90 m sur 253 m) en raison du percement de l’amorce de l’avenue Napoléon (avenue de l’Opéra) jusqu’à la rue de l’Échelle qui est prolongée dans le même temps. Ces travaux sont achevés en 1867.
À gauche, nous voyons le débouché de la rue de l’Anglade et à droite, celui de l’impasse de la Brasserie. Tout au fond, ce sont des immeubles de la rue de Richelieu (qui existent toujours).
Nous voyons, à droite, que le no 4 a déjà été détruit et que l’on stocke à son emplacement des matériaux de démolition récupérés.
Les démolitions de 1866 vont aller jusqu’aux nos 13 bis et 20 (jusqu’à l’endroit où l’on voit à gauche une enseigne “Café, vins, bière, 2 billards”). Les immeubles qui suivent seront expropriés en 1876, lors du prolongement de l’avenue de l’Opéra (décret Mac-Mahon du 27 juin 1876) qui entraînera alors la disparition de la rue du Clos Georgeau.
La légende d’époque est “Rue Fontaine Molière (sic), de la rue des Frondeurs”, ce qui est une impossibilité, la rue des Frondeurs étant parallèle à la rue de la Fontaine Molière. Il y a toutefois une explication à cette confusion : les premiers immeubles de la rue de la Fontaine Molière sur la gauche (nos 1 et 1 bis) avaient été démolis en 1865 (ce qui explique la présence de l’étai) et avaient libéré une sorte de petite place carrée qui donnait sur la rue des Frondeurs. Marville avait donc à sa gauche, à une vingtaine de mètres, les façades des nos 1 et 3 de la rue des Frondeurs.
FONTAINE-MOLIÈRE (RUE DE LA). Commence à la rue Saint-Honoré, nos 246 et 248 ; finit aux rues du Hasard, no 1, et de Richelieu. Le dernier impair est 43 ; le dernier pair, 44. Sa longueur est de 253 m. — 2e arrondissement, quartier du Palais-Royal.
Cette rue longeait l’enceinte de Paris, construite sous les règnes de Charles V et Charles VI. À l’endroit où elle prend naissance, on voyait une porte de ville nommée porte Saint-Honoré. Des titres du seizième siècle désignent cette voie publique sous le nom de rue Traversière. En 1625, c’était la rue de la Brasserie ou du Bâton-Royal. Elle reprit au commencement du dix-huitième siècle la dénomination de rue Traversière. — Une décision ministérielle du 3 nivôse an X, signée Chaptal, avait fixé la largeur de cette voie publique à 8 m. Cette largeur a été portée à 10 m., en vertu d’une ordonnance royale du 4 octobre 1826. Conformément à une décision ministérielle du 12 mai 1843, la rue Traversière a pris le nom de rue de la Fontaine-Molière. Un décret impérial du 15 novembre 1853 a prononcé l’expropriation des maisons portant les nos de 1 à 13 bis inclus et de 2 à 26 inclus. Un autre décret du 29 mai 1854 maintient l’alignement approuvé en 1826. Les maisons nos 35, 37, 39 et 30 sont alignées.
À l’angle de la rue de Richelieu s’élève un monument consacré à Molière. En 1840, le Conseil municipal avait voté la reconstruction d’une fontaine en cet endroit, et personne n’avait songé à l’illustre poète, lorsqu’un artiste dramatique, amoureux de son art comme tous les talents supérieurs, écrivit à M. le comte de Rambuteau la lettre que nous reproduisons :
« Monsieur le Préfet,
Le Journal des Débats, dans son numéro du 14 février, annonce la prochaine construction d’une fontaine à l’angle des rues Traversière et de Richelieu. Permettez-moi, Monsieur le Préfet, de saisir cette occasion de rappeler à votre souvenir que c’est précisément en face de la fontaine projetée, dans la maison du passage Hulot, rue de Richelieu, que Molière a rendu le dernier soupir, et veuillez excuser la liberté que je prends de vous faire remarquer que, si l’on considère cette circonstance et la proximité du Théâtre-Français, il serait impossible de trouver aucun emplacement où il fût plus convenable d’élever à ce grand homme un monument que Paris, sa ville natale, s’étonne encore de ne pas posséder.Ne serait-il pas possible de combiner le projet dont l’exécution est confiée au talent de M. Visconti avec celui que j’ai l’honneur de vous soumettre ? Quand vos fonctions vous le permettent, vous venez assister à nos représentations, vous applaudissez aux chefs-d’œuvre de notre scène ; le vœu que j’exprime doit être compris par vous, et j’espère que vous l’estimerez digne de votre attention.
Les modifications que l’on serait obligé de faire subir au projet arrêté entraîneraient indubitablement de nouvelles dépenses ; mais cette difficulté serait, je le crois, facilement écartée. N’est-ce pas à l’aide de dons volontaires que la ville de Rouen a élevé une statue de bronze à Corneille ? Assurément une souscription destinée à élever la statue de Molière n’aurait pas moins de succès dans Paris ; les corps littéraires et les théâtres s’empresseraient de s’inscrire collectivement ; les auteurs et les acteurs apporteraient leurs offrandes individuelles. Tous ceux qui aiment les arts et qui révèrent la mémoire de Molière accueilleraient cette souscription avec faveur, et s’intéresseraient à ce qu’elle fût rapidement productive. Du moins c’est ma conviction, et je souhaite vivement que vous la partagiez. D’autres que moi, monsieur le Préfet, auraient sans doute plus de titres pour vous entretenir de ce projet, qui avait déjà préoccupé le célèbre le Kain ; mais si la France entière s’enorgueillit du nom de Molière, il sera toujours plus particulièrement cher aux comédiens. Molière fut, tout à la fois, leur camarade et leur père, et je crois obéir à un sentiment respectueux et presque filial en vous proposant de réunir au projet de l’administration celui d’un monument que nous serions si glorieux de voir enfin élever au grand génie qui, depuis près de deux siècles, attend cette justice.
J’ai l’honneur, etc.
Signé Régnier,
Sociétaire du Théâtre-Français. »
Cette lettre excita de vives sympathies. Une souscription fut ouverte, et le 15 janvier 1844 eut lieu l’inauguration de la fontaine Molière. Sur le soubassement s’élève un ordre corinthien accouplé, au centre duquel est une niche circulaire, ornée, dans sa partie supérieure, d’une clef portant une table de marbre sur laquelle est inscrit le monogramme de 1844. Le monument est terminé par un riche entablement dont la frise est ornée de mascarons et de branches de lauriers. Il est surmonté d’un fronton circulaire au centre duquel est assis un génie qui couronne le poète.
Les lignes des faces latérales viennent se raccorder à la façade principale, qui forme, pour ainsi dire, le frontispice au-devant duquel est placé le piédestal en marbre blanc portant la statue en bronze de Molière. L’illustre poète est assis et paraît plongé dans une profonde méditation. De chaque côté du piédestal sont deux figures, dont les regards se dirigent vers le poète ; elles portent une légende où se trouvent inscrites, par ordre chronologique, toutes les pièces de Molière ; ces deux statues représentent, l’une la muse grave, l’autre la muse enjouée, double expression du talent de Molière ; enfin un bassin octogone reçoit l’eau qui jaillit de trois têtes de lion. Ce monument a 16 m. de hauteur sur 6 m. 50 c. de largeur. Il a été composé par M. Visconti, architecte ; la statue de Molière est de M. Seurre aîné, et les deux muses de M. Pradier. La fontaine Molière a coûté 190,769 fr. 77 c.
[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]
Les matériaux à provenir de la démolition des nos 2 et 4, rue des Frondeurs, qui sont également les nos 1 et 1 bis, rue de la Fontaine Molière, ont été adjugés le 3 février 1865.
Les matériaux à provenir de la démolition du no 4, rue de la Fontaine Molière, ont été adjugés le 19 janvier 1866. La photographie est donc obligatoirement postérieure à cette date.
Les matériaux à provenir de la démolition des nos 5, 7, 9, 11, 13, 13 bis, et 6, 8, 10, 12, 16, 16 bis, 18, 20, rue de la Fontaine Molière, ont été adjugés le 13 septembre 1866. Démolition entre septembre et décembre 1866. Les terrains sont nivelés en janvier 1867.
Nous distinguons une affiche “Les Sabots d’Aurore”, comédie en un acte, par Raimond Deslandes et William Busnach. Du 22 juin au 30 juillet 1866 au Théâtre du Gymnase.
Datation : vers juin-juillet 1866.
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No 88 | Rue de la Fontaine Molière, vers la rue de Richelieu. Juin ou juillet 1866. | ||
State Library of Victoria | Musée Carnavalet | BHVP (négatif) | |
— | CARPH000476 | NV-004-C-0590 | |
— | 27.7 x 31 | 28.5 x 38 | |
— | 1865-1868 | 1864-1865 |
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Voir également :
Auteur(s) de la notice : Laurent Gloaguen.
Publié initialement le samedi 6 septembre 2014.
Dernière mise à jour le lundi 15 juin 2015.
Article classé dans : Charles Marville > Vues du Vieux Paris.
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