Cour du Carrousel, 1921

Statue équestre de Lafayette, cour du Carrousel, 1921

Statue équestre de Lafayette, cour du Carrousel. Paris Ier. Avril 1921.

Version haute définition : 3473 x 2400 pixels.

Avant les travaux du grand Louvre (1984-1993), la cour du Carrousel (aujourd’hui cour Napoléon) comportait deux squares imaginés en 1852 par Louis Visconti.

La statue équestre de Lafayette était au centre du square de l’est. En bordure du square de l’ouest, côté place du Carrousel, il y avait aussi un important monument à Gambetta, inauguré le 14 juillet 1888. Il fut démonté en 1954, après avoir perdu ses parties en bronze pendant l’Occupation.

La statue de Lafayette avait été offerte à la France par les Américains à l’initiative de Robert J. Thompson, un citoyen de Chicago qui lança une souscription pour son financement auprès des écoliers américains. Elle est l’œuvre de Paul Wayland Bartlett (1865-1925). La version en bronze (précédée d’un modèle en plâtre patiné) a été installée au square du Louvre en juin 1908.

Elle est enlevée en 1984 pour faire place à la pyramide de Ieoh Ming Pei, et est aujourd’hui tristement reléguée au Cours-la-Reine, loin des regards.

Sur cette photographie, nous voyons au pied de la statue de Lafayette les morceaux du bassin Miroir d’eau, la Seine et ses affluents, œuvre du sculpteur Raoul Larche (1860-1912), que l’on s’apprêtait à installer au centre de la place du Carrousel, place pour laquelle il avait été conçu.

L’opposition de certaines instances, dont la Commission du Vieux Paris, aura raison de ce projet et le Miroir d’eau a finalement trouvé place au Grand Palais, devant l’entrée de l’avenue du Général Eisenhower (square Jean Perrin). Force est de constater qu’il s’assemble si harmonieusement avec le Grand Palais que beaucoup pourraient croire qu’il a été conçu spécifiquement pour cet emploi.

Sur la seconde photographie, on peut discerner à gauche, derrière les arbres, le monument à Léon Gambetta.

Statue équestre de Lafayette, cour du Carrousel

Version haute définition : 3493 x 2400 pixels.

Le mystère du Carrousel

Pour faire suite à l’Attentat des Tuileries (1). Car tout s’enchaîne.

Les habitués du beau jardin qui poussent leur promenade jusqu’au rond-point le plus rapproché du Pavillon Sully, ont pu remarquer depuis de longs mois, gisants sur la pelouse où s’érige la statue équestre de La Fayette, une douzaine de morceaux de sculpture, pêle-mêle, représentant des femmes nues qui semblent jouer avec des enfants.

Que font là ces pièces d’un ensemble qui, autant qu’on en peut juger, au travers des grilles, sera magnifique, et peu approprié à cet endroit ? Quelle est cette œuvre ? Que veut-on en faire ? C’est un mystère qui méritait d’être élucidé.

Oh ! il n’est pas bien profond et il nous a suffi pour éclairer notre lanterne de faire une visite là-bas, à Auteuil, à Mme Sudre, veuve du grand sculpteur Raoul Larche, dont la fin lamentable est encore dans toutes les mémoires (2).

Ces morceaux épars sont en effet l’une de ses plus belles œuvres et pas autre chose que le magnifique Miroir d’Eau, commande de M. Dujardin-Beaumetz (2), qui valut à l’artiste la médaille d’honneur du Salon des Artistes Français en 1910, et auquel faisaient allusion hier, dans le Figaro, quelques-uns de nos lecteurs protestant contre l’Attentat des Tuileries.

« Or, ce Miroir d’Eau, nous dit Mme Sudre qui défend, avec une énergie désespérée, l’œuvre et la mémoire de son premier mari, ce Miroir d’Eau dont M. Léon Bérard commanda en 1912 une reproduction en marbre, celle qui gît là-bas, aux Tuileries, savez-vous quel emplacement lui était destiné ? Le parterre de la place du Carrousel, précisément, entre la statue de Gambetta et l’arc de triomphe de Percier, où vous me dites qu’on veut mettre maintenant le monument de Bartholomé.

— Mais, madame, que fait-il relégué près de la statue de La Fayette ?

— Ah, monsieur, c’est que ce projet a soulevé des discussions effroyables. Après avoir lutté comme peut lutter une femme, hélas j’ai dû m’incliner et accepter qu’il soit placé, non plus devant, mais derrière la statue de Gambetta.

— Et quelle belle raison donnait-on à ce déplacement d’une œuvre conçue pour aller là et dont les proportions conviennent admirablement à cette pelouse ?

— La commission du Vieux-Paris a objecté qu’il ne serait pas dans l’axe de la perspective.

Et voilà. Il n’en faut pas plus ! On peut se demander si cet argument si péremptoire perd de sa force quand il s’agit du maître Bartholomé. Nous l’avons vu ce Miroir d’Eau. C’est un monument de forme ovale, long de 14 mètres, large de 11, formé de trois groupes, disposés autour d’un bassin avec une grâce, une diversité d’attitudes, une perfection de lignes magistrales et bien françaises.

Le groupe central représente la Seine et ses petits affluents, les deux autres l’Oise et la Marne, ce sont des naïades jouant avec des ondines et des enfants. La facture en est simple et sans monotonie, la conception en est large et harmonieuse. C’est un chef-d’œuvre de l’art, français, qui gît là, épars, en attendant qu’on le mette, Dieu sait quand, dans son coin.

Nous pourrions mieux traiter nos chefs-d’œuvre.

Charles Tardieu.

[Le Figaro, 26 avril 1921.]

Notes

1. Début avril 1921, Le Figaro avait appelé “Attentat des Tuileries” le projet d’ériger une statue d’Albert Bartholomé, “Paris pendant la guerre”, sur la place du Carrousel. Installée malgré les protestations, elle est finalement retirée en 1933 et est abandonnée depuis cette date dans un dépôt municipal du Bois de Vincennes où elle se dégrade.

2. François-Raoul Larche (1860-1912). Il meurt après avoir été renversé par une automobile, le 3 juin 1912.

3. Étienne Dujardin-Beaumetz (1852-1913). Sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts de 1905 à 1912.

Position estimée