La Belle Jardinière, c. 1866

Magasin de la Belle Jardinière, île de la Cité

Magasins de la Belle Jardinière, île de la Cité. Paris IVe. Circa 1866.

Version haute définition : 3000 x 1981 pixels.

Que voyons-nous ? Les magasins de la Belle Jardinière sur l’île de la Cité.

À quelle époque ? Entre juin 1866 et avril 1867. Vraisemblablement juillet-août 1866.

Qui est le photographe ? Il est inconnu. Ce pourrait être Charles Marville (1813-1879). Les caractéristiques techniques sont compatibles et Marville a intensivement couvert le sujet des transformations de l’île de la Cité en 1865 et 1866.

En 1866, les magasins de la Belle Jardinière doivent être démolis pour faire place au nouvel Hôtel-Dieu, mais la construction des nouveaux magasins au quai de la Mégisserie connaît du retard, l’activité s’est donc poursuivie jusqu’au dernier moment au milieu de l’immense chantier de la Cité.

L’alignement de tombereaux au premier plan est sur le tracé de l’ancienne rue de Glatigny. À droite, nous voyons le tribunal de commerce (1860-64). L’immeuble à gauche est au coin des rues de la Licorne et des Marmousets. On discerne dans l’ombre, tout à gauche, une façade de la rue de Constantine. Le photographe se trouve à peu près sur le tracé de la rue du Milieu des Ursins, son objectif couvre un angle de 48 à 50°.

Plan de l’île de la Cité, Belle Jardinière, 1867

La Belle Jardinière était à l’origine un petit magasin de vente de tissu et drap de laine créé en 1824 sur l’île de la Cité par le mercier Pierre Parissot. Grâce à son idée à la fin des années 1830 de vendre des vêtements de confection, du prêt-à-porter à des prix modérés, Parissot fait rapidement fortune. En allant à ses magasins, “en cinq minutes, on vous rendra vêtu élégamment, cravaté à la perfection de Brummel, tout flambant neuf de la tête aux pieds”.

Dans les années 1840-1850, au gré du succès permettant l’achat d’immeubles voisins, la Belle Jardinière occupait une bonne partie de l’îlot entre les rues de la Cité, du Haut Moulin, de Glatigny et des Marmousets.

Ce brouillon de plan parcellaire de 1840-1850 (Archives de Paris) montre la progression foncière de M. Parissot par achats successifs :

Propriétés de Pierre Parissot en 1850

Pierre Parissot meurt en 1860 et la direction des magasins est prise par Charles Bessand, son beau-fils.

En 1865, la Belle Jardinière reçoit son avis d’expulsion pour la construction de l’Hôtel-Dieu (arrêté du préfet Haussmann en application du décret impérial du 22 mai 1864 déclarant d’utilité publique la reconstruction de l’Hôtel-Dieu).

Sur la photographie, la partie de l’îlot qui n’appartenait pas à la famille Parissot a été détruite, mais le magasin de la Belle Jardinière a obtenu un sursis. Ce report a été demandé à la préfecture de la Seine, car le nouveau magasin du Pont-Neuf n’était pas achevé de construire (il sera terminé en 1867).

Dans l’îlot concerné, les matériaux à venir de la démolition du côté rue de Glatigny (nos 8 et 10) sont adjugés le 25 mai 1866 (avec les 30, 32, 34 rue des Marmousets et les 1, 3, 5 rue du Haut Moulin). C’est la partie qui a été démolie — on peut supposer au mois de juin 1866 — sur la photographie.

Le secteur entre la rue de Constantine et le quai Napoléon est livré aux démolisseurs à partir d’avril 1866. Ces démolitions se terminent en juillet 1866. Immédiatement après, on commence les travaux de terrassement pour les fondations de l’Hôtel-Dieu. Ne voyant pas de profondes tranchées, je pense que cette photographie date juste de la fin de la campagne de démolitions de 1866 dans ce secteur, soit juillet ou août 1866.

En mai 1866, les magasins font paraître des publicités dans les journaux : “AVIS : les propriétaires de La Belle Jardinière ont l’honneur de prévenir que leurs Magasins NE SONT PAS DÉPLACÉS et qu’ils sont toujours QUAI AUX FLEURS, À PARIS”. Il s’agit de rassurer la clientèle qui sait que l’île de la Cité est un gigantesque chantier et qui pourrait douter que les magasins y soient encore en activité. Aux mêmes fins, le magasin a investi dans la grande peinture murale que nous voyons.

Les nouveaux magasins de la Belle Jardinière, quai de la Mégisserie, ouvrent le 20 avril 1867, même si le nouveau bâtiment n’est pas terminé. Cette précipitation à ouvrir est probablement le fait de la préfecture ayant indiqué qu’elle ne pouvait vraiment plus attendre pour surseoir la démolition.

Les magasins seront finalement démolis en avril-mai 1867. On lit dans Le Petit journal du 12 mai 1867 : “On pousse activement dans la Cité la démolition des dernières maisons restées debout à l’angle de la rue du Haut-Moulin et de la rue de la Cité, et qui sont comprises dans le périmètre du nouvel Hôtel-Dieu.”

No 138. — 2e SECTION. — 1er BUREAU. — Publication du plan parcellaire de diverses opérations de voirie dans le 4e arrondissement.

Le Sénateur, Préfet du déparlement de la Seine, Grand’Croix de l’ordre impérial de la Légion d’honneur,

Vu le décret du 22 mai 1864, qui a déclaré d’utilité publique, entre autres opérations de voirie :

1o La reconstruction de l’Hôtel-Dieu sur remplacement circonscrit par la place du Parvis Notre-Dame, le quai Napoléon, les rues d’Arcole et de la Cité ;

2o L’agrandissement de la place du Parvis-Notre-Dame, la rectification et l’élargissement à 20 mètres de la rue d’Arcole ;

3o L’élargissement à 20 mètres de la rue de la Cité ;

4o L’élargissement de la rue de Constantine avec isolement du tribunal de commerce ;

Vu le plan annexé ;

Vu le décret du 26 mars 1852 sur la voirie de Paris ;

Vu le titre II de la loi du 3 mai 1841 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

Vu le décret du 27 décembre 1858, sur l’application de la loi du 3 mai 1841 et du décret du 26 mars 1852, précités ;

Vu le plan parcellaire des propriétés dont la cession est nécessaire en tout ou en partie pour exécuter les opérations dont il s’agit,

Lequel plan indique :

1o La superficie totale des propriétés atteintes, ainsi que celle des portions enlevées pour les alignements ;

2o Les noms des propriétaires, tels qu’ils sont inscrits à la matrice des rôles,

Arrête :

Art. 1er. Le plan parcellaire ci-dessus visé restera déposé à la mairie du 4e arrondissement municipal de Paris pendant huit jours consécutifs, à partir de la publication du présent arrêté afin que chacun puisse en prendre connaissance et produire s’il y a lieu, des observations sur l’application du plan aux propriétés qui y sont désignées par une teinte jaune, notamment en ce qui concerne celles des propriétés dont l’expropriation est requise par application du décret du 26 mars 1852, lesdites propriétés comprises au tableau indicatif sous les nos 108, 109, 110, 111,113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122.

Art. 2. Le présent arrêté sera publié à son de caisse dans l’étendue du 4e arrondissement, et par voie d’affiches placardées dans tout Paris, et notamment à la porte principale de la mairie et des églises de cet arrondissement.

Il sera, en outre, inséré au Moniteur.

Art. 3. Le maire du 4e arrondissement est chargé de l’exécution du présent arrêté.

Fait à Paris, le 12 juin 1865.

Signé G.-E. HAUSSMANN.

Pour ampliation : Le Conseiller d’État, secrétaire général. Pour le Conseiller d’État, Secrétaire général, empêché, Le Conseiller de Préfecture, délégué, SÉBIRE.

Position estimée

[Position du photographe.]