Comme des bêtes fourbues, 1916

Poilus permissionnaires, gare de l’Est, Paris, 1916

Poilus permissionnaires, gare de l’Est, Paris, 1916.

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En ce qui concerne les transports des permissionnaires, pour un mouvement journalier qui porte sur une moyenne de 200.000 hommes, aucune organisation n’existe. On se rappelle le spectacle lamentable que présentent les gares du Nord et de l’Est : des soldats, encore tout maculés de la boue tenace des tranchées, hagards d’insomnie, les nerfs hypertendus par des voyages interminables, des attentes indéfinies dans des gares secondaires et qui, écrasés de fatigue, parqués comme des bêtes fourbues, s’étendent même la pierre des quais et le pavé des cours. Pour les recevoir, des locaux insuffisants, des abris rudimentaires, pas de nourriture en cours de route ; et ceux qui débarquent dans la capitale, ballottés comme des épaves aux remous du flot parisien, en proie au chant des sirènes du trottoir, happés par des mercantis rapaces ou sollicités par d’infâmes agents de désertion ; au retour, l’homme errant à l’aventure, et parfois des jours et des nuits à la recherche de son unité, renvoyé de régulatrice en régulatrice comme un colis sans adresse, et rejoignant enfin son Corps dans un tel état qu’il a perdu les trois quarts du bénéfice moral de sa permission.

Ces errements déplorables avaient ému l’opinion publique. Le général Pétain comprend la nécessité d’y mettre fin.

[Henri Carré. “La crise du moral et de la discipline : l’œuvre du Général Pétain”“La Grande Guerre vécue, racontée, illustrée par les combattants”, tome II. Paris, Aristide Quillet, 1922.]

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