Vivandière, Crimée, c. 1855

Fenton, guerre de Crimée : une vivandière

Une vivandière française. Guerre de Crimée. Circa 1855.

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Les cantinières et vivandières françaises ont toujours été un sujet de fascination pour les Britanniques, qui n’y voyaient que trop souvent, et de façon très insultante pour ces femmes, des prostituées, ce qu’elles n’ont jamais été (ce sont d’ailleurs obligatoirement des femmes mariées, généralement avec un soldat). Des femmes sur un champ de bataille, qui plus est portant des pantalons, étaient juste inimaginables pour les Anglais (mais pas pour les Américains qui auront aussi des vivandières, lors de la Guerre civile). Cela dit, de nombreux témoins de la guerre de Crimée font état de la sidération amoureuse de beaucoup de soldats anglais pour ces “French ladies”, “perfect specimens of womanhood”, ces “rayons de soleil au milieu de la poussière et du chaos de Sébastopol” dont la vue fait fondre tous les préjugés.

La vivandière suit les troupes avec une charrette à cheval et elle dispose souvent d’une tente. En campagne, elle vend principalement du tabac, du vin et de l’alcool (eau-de-vie, cognac, rhum, etc.). Quand il fait froid et qu’elle le peut, elle prépare des tisanes chaudes. Elle cuisine occasionnellement. « En campagne, elle se dévoue pour son régiment ; plus d’une fois, au fort de la bataille, on l’a vue aller de rang en rang porter la goutte aux soldats, et braver la mitraille pour aller donner un peu d’eau aux blessés. Elle ne compte pas, ces jours-là, elle ne vend pas, elle donne. » — Émile Gaboriau, Le 13e hussards, 1861 [réf.].

À l’origine, la cantinière était plutôt sédentaire, une cuisinière attachée à une cantine, et la vivandière était mobile, vendant des biens de première nécessité sur le front, mais les deux termes sont peu à peu devenus synonymes. Les dernières cantinières ont disparu au début de la Première guerre mondiale.

Des années 1830 aux années 1890, ces auxiliaires féminines portaient un uniforme réglementé par le Ministère de la Guerre. Les vivandières servaient souvent d’infirmière pour les blessés et d’écrivain public pour les illettrés (elles vendaient du papier à lettres). Certaines ont aussi pris part aux combats et de nombreuses furent blessées ou tuées. Beaucoup de soldats les considéraient comme des mères. « Elle peut-être jeune ou vieille, gentille à croquer ou laide à faire peur, l’extérieur n’y fait rien […] Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’elle a toujours le cœur excellent, qu’elle aime le soldat et est toujours prête à lui rendre service. » — Gaboriau, ibid.

Le titre de vivandière a depuis été utilisé de façon honorifique, ainsi Edmonde Charles-Roux (1920— ) a été nommée « vivandière d’honneur » du XIe régiment de marche de la Légion étrangère en 1945 pour son engagement volontaire d’infirmière.

Le livre de référence sur le sujet est Intrepid Women : Cantinières and Vivandières of the French Army, de Thomas Cardoza, Indiana University Press, 2010 [réf.]. Aujourd’hui encore, le sujet semble plus intéresser les universitaires anglo-saxons que les français.

La vivandière de la photographie porte ce qui semble un uniforme d’infanterie, de lancier ou d’artillerie (mais pas de zouave comme on peut le lire parfois — voir un uniforme de vivandière des zouaves sur Gallica).

Vivandière

[Uniforme de vivandière de l’infanterie de ligne. 1856-1860. BNF.]

Vivandière

[“Au camp devant Sébastopol. La vivandière française est la providence du soldat.” R. de Moraine, 1855. BNF.]

  • 1. Le 23 mars 2014,
    Jérôme

    J'aime beaucoup le rendu de l'expression du visage

  • 2. Le 25 mars 2014,
    FannyW

    Merci pour cet excellent article ! Très instructif.

  • 3. Le 7 avril 2014,
    Audrey Mk

    Merci beaucoup pour cet article. J'aime découvrir ces personnages insolites qui ont fait l'Histoire.