Le chat momifié de Saint-Germain, 1862

Charles Marville : le chat momifié de Saint-Germain

Le chat momifié (trouvé dans les fouilles de Saint-Germain-en-Laye). Circa 1862.

Version haute définition : 3113 x 3200 pixels.

La tradition d’emmurer un chat vivant, si possible noir, lors de la construction d’un bâtiment, était très vivace du Moyen-Âge jusqu’à la Renaissance. Cela devait éloigner le Malin et porter chance (mais certainement pas au minou choisi). De ce que j’en sais, cette coutume aurait été depuis abandonnée.

Ce chat là a été trouvé vers 1862, au début des travaux de restauration du château de Saint-Germain-en-Laye dirigés par l’architecte Eugène Millet.

Ma recherche de détails concernant cette découverte a été infructueuse, comme si cette photographie était le dernier témoignage de ce matou desséché.

Cependant, un article du Petit Parisien nous dit qu’on a découvert plus tard, dans le même château, des compagnons d’infortune à celui-ci, l’un en 1884 et l’autre en 1904, mais sans référence à celui de 1862 :

LES CHATS EMMURÉS

Au Château de Saint-Germain. — Les Félins de la Chapelle Saint-Louis. — Deux Animaux archi-séculaires.

On a annoncé tout dernièrement qu’au cours des travaux de restauration du château de Saint-Germain, les ouvriers avaient mis à découvert une pierre de taille, sorte de caveau au milieu de laquelle se trouvait un chat momifié.

Le petit animal, pourvu de tous ses poils, avait les pattes étendues, la gueule béante, les dents et les griffes menaçantes, dans une attitude de lutte désespérée contre la mort.

Chacun sait que le château actuel a été bâti sur l’emplacement d’un rendez-vous de chasse mérovingien, qui devint plus tard la résidence de Louis le Gros. Saint Louis y résida également et fit construire la superbe chapelle qui porte son nom.

La première pierre de l’enceinte fut posée par Charles V en 1547.

On a rappelé à ce sujet qu’un protocole, tout au moins singulier, qui régissait alors les inaugurations de monuments, voulait, pour que la construction soit durable, qu’on introduisît dans les premières pierres un chat vivant.

Or, c’est l’animal inséré en 1547 dans le mur de l’enceinte qui a été découvert dernièrement et qui se trouve exposé actuellement dans une vitrine en attendant son entrée définitive au musée de Saint-Germain.

On a déclaré que cette pièce rare était vraisemblablement la seule de son espèce. Pas du tout, car voici que se dresse en face du pensionnaire de Saint-Germain un rival indiscutable qui lui enlève la palme du coup par la plus grande antériorité de son martyre.

Et, ce qui est certes plus étonnant, c’est qu’il a été découvert, comme l’autre, à Saint-Germain, mais en 1884.

Voici dans quelles circonstances :

Un ouvrier qui procédait à des sondages dans les murs de la chapelle de Saint-Louis, mit à jour un cube de pierre creux de l’intérieur duquel il retira le cadavre parcheminé d’un chat.

L’artisan fit part de sa découverte au gardien des travaux de l’État, M. Henry, lequel alla trouver aussitôt l’architecte, lui demandant ce qu’il fallait faire de l’animal.

— Fichez-moi cela au diable, répondit l’ingénieur.

Le gardien garda le félin momifié.

M. Henry, qui est aujourd’hui surveillant militaire au musée du Louvre — et doyen des surveillants militaires de France, artiste galvanoplaste merveilleux à ses moments perdus et spirite convaincu — possède toujours les restes du félin, vestige d’une coutume barbare heureusement disparue.

L’origine de cette pièce ne saurait être mise en doute, l’aspect et l’attitude du sujet étant un sûr garant de son authenticité. Ce spécimen, impossible à créer chimiquement, a d’ailleurs été photographié lors de sa découverte et placé en effigie au musée d’Épinal par les soins de M. Vaubat, conservateur.

Trouvé dans les murs de la chapelle Saint-Louis, le félin aurait été muré dans les environs de 1230.

Alors que celui dont nous avons parlé plus haut possède encore tous ses poils, l’autre est entièrement dépouillé de sa toison. Il est étendu sur le côté droit, les pattes croisées, le cou tiré, les oreilles dressées, dans une attitude de souffrance extrême, mais nullement convulsé, comme le contemporain de Charles V.

Ne croit-on pas que la place réservée à celui-ci au musée de Saint-Germain ne devrait pas être plus logiquement occupée, étant donnée son ancienneté, par le pensionnaire de M. Henry.

Sinon, qu’en pense le muséum d’histoire naturelle ?

[Le Petit Parisien. 3 septembre 1904, n° 10172.]

Il me semble que le chat 1862 de la photo de Marville est le même que celui, découvert en 1884, de M. Henri, “militaire, galvanoplaste et spirite”. La description correspond en tous points : sans poils, étendu sur le côté droit, les pattes croisées, les oreilles dressées… Peut-être que le chat a été remis en place en 1862 et redécouvert en 1884, ou bien encore y a-t-il une erreur dans l’année mentionnée dans le journal…

Chat de Woburn Abbey

[Chat découvert en 1915 dans une cache des fondations de Woburn Abbey, Bedfordshire.]

Provenance du tirage : François Braunschweig et Hugues Autexier, 1978.