Le moulin de la Galette, 1899
Le moulin Radet et le bal du Moulin de la Galette, rue Lepic. Paris XVIIIe. Août 1899.
- Date : 1899
- Auteur : Eugène Atget (1857-1927)
- Support : tirage sur papier albuminé, 18 x 22.5 cm
- Collection : collection particulière
Version haute définition : 3330 x 2700 pixels.
Le moulin Radet et le bal du Moulin de la Galette, au coin des rues Girardon et Lepic.
Vous pouvez voir à gauche des extrémités de pales du moulin Blute-Fin. Le grand bâtiment en bois abrite le bal.
L’histoire des moulins de Montmartre est assez compliquée… Vendus, déplacés, renommés, portant parfois plusieurs noms au même moment… il est souvent peu aisé de s’y retrouver. Et c’est d’autant plus difficile pour le “moulin de la Galette”, car il y avait en fait trois moulins sur le terrain du célèbre Bal du Moulin de la Galette : le Blute-Fin à l’ouest, la Poivrière au nord, et le Radet à l’est.
Lucien Lambeau (1854-1927), historien des communes annexées, explique à la Commission du Vieux Paris en 1914 que le Radet est le vrai Moulin de la Galette, mais que le public du XIXe siècle utilisait ce vocable de “Moulin de la Galette” comme “un terme générique appliqué aux trois moulins qui existaient […] dans la propriété de M. Debray”.
Le Moulin Blute-Fin s’appelait le Moulin-Vieux et était à son emplacement d’aujourd’hui en 1622. Sa charpente daterait de 1295, mais cela ne veut en aucun cas dire que le moulin était là au XIIIe siècle, les moulins en bois se déplaçant assez aisément. Vers 1640, il prend le nom de Boute-à-fin. En 1709, le Boute-à-fin est vendu au meunier Nicolas Menessier. En 1780, le moulin appartient à son petit-fils, Jacques-Baptiste Menessier. Vers 1795, le moulin est rebaptisé le Blute-Fin.
Le Moulin à Poivre, ou Poivrière, construit en 1830, était dédié au poivre comme son nom l’indique.
Le Moulin Radet était au XVIIIe siècle cent trente mètres plus haut, au coin de la rue de l’Abreuvoir et du chemin des Brouillards (rue Girardon). Sa charpente aurait daté de 1264. Il s’appelait en 1717 le Moulin-Chapon, du nom de son propriétaire, François Chapon. Il prend le nom de Radet au gré d’une vente au cours du XVIIIe siècle. Le Radet est acheté en 1787 par le meunier Jacques-Baptiste Menessier, qui était déjà propriétaire du Boute-à-fin.
En 1809, Nicolas-Charles Debray achète le Blute-Fin, puis, en 1812, le Radet.
En 1834, le même Debray décide de déplacer le Radet à côté du Blute-Fin. On le fait glisser sur des madriers sur environ 130 mètres.
Entre les moulins Radet et Blute-fin, une maison est convertie en guinguette qui sert des galettes confectionnées avec la farine des moulins, puis on adjoint un bal qui devint célèbre sous le nom de “Bal du Moulin de la Galette”. Au sommet du Blute-Fin, on aménage une plateforme qui sert de “point-de-vue” (ce détail est important pour identifier le moulin sur des photos anciennes, car sous l’appelation “Moulin de la Galette”, on peut trouver autant des images du Radet que du Blute-Fin).
En 1841, Nicolas-Charles Debray loue le Blute-Fin, ou “Moulin au Point-de-Vue”, à son fils Pierre-Charles, tout en gardant l’exploitation de la salle du Bal Debray, avec son Radet, ou “Moulin de la Galette”.
[À gauche, le Blute-Fin en 1880, dit “Moulin au Point de Vue”, a droite, le Radet en 1895, dit “Moulin de la Galette”.]
En 1880, la Poivrière est vendue à un parfumeur qui l’emploie au broyage d’iris.
En 1884, le Blute-Fin cesse de moudre du grain. C’était le dernier moulin de Montmartre à faire de la farine.
En 1911, la Poivrière est démolie pour faire place à la nouvelle avenue Junot.
[La démolition de la Poivrière fait la une du supplément illustré du Petit Journal.]
En 1913, M. Debray souhaite se débarrasser du Radet pour agrandir la salle de bal. Il en fait don à la Ville si elle se charge de l’enlever et de lui trouver une nouvelle place. L’entrée du bal sur la rue Girardon est fermée, on y accède plus que par la rue Lepic, à la hauteur de la rue Tholozé.
En 1914, la Commission du Vieux Paris examine une proposition de déménager le Radet sur la place Jean-Baptiste Clément, ce qu’elle approuve.
La Guerre suspend le dossier du sauvetage du moulin. En 1923, laissé sans entretien depuis plus d’une décennie par M. Debray qui attend avec impatience son départ, le Radet est très délabré. La Commission du Vieux Paris émet le vœu qu’il soit classé monument historique au plus vite.
En 1924, le propriétaire est lassé d’attendre et fait démolir le moulin Radet au mois de mai. On construit à sa place un immeuble, terminé en 1925, qui hébergera une grande salle de cabaret. À son sommet, on place un simili-moulin, non fonctionnel, comme on a fait pour le Moulin Rouge. Son entrée, à l’angle des rues, est flanquée des meules du défunt moulin.
[Le faux moulin du Radet sur l’immeuble de 1925. Photo © Albert Harlingue, Roger-Viollet.]
L’établissement ferme en 1966, après avoir servi de studios pour l’ORTF.
L’immeuble est détruit par la suite (date à préciser). On reconstruit à sa place un restaurant avec un nouveau faux “Moulin de la Galette”, un décor pour le plus grand bonheur des touristes.
Le Blute-Fin est le dernier vrai moulin de la Butte. Quoiqu’en disent les propriétaires du restaurant du 83, rue Lepic avec leur moulin de pacotille… Et le “vrai” Moulin de la Galette a disparu en 1924.
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Auteur(s) de la notice : Laurent Gloaguen.
Publié initialement le dimanche 29 décembre 2013.
Dernière mise à jour le mercredi 25 mars 2015.
Article classé dans : Eugène Atget > Rues de Paris.
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