Rue de la Chaussée d’Antin, 1866
Rue de la Chaussée d’Antin, de la Trinité. Paris IXe. 1866.
- Date : 1866
- Auteur : Charles Marville (1813-1879)
- Format : tirage 2015 d’après négatif restauré numériquement, 27.9 x 29.2 cm
- Collection : GDC
Version haute définition : 2600 x 2725 pixels.
Marville se trouve rue Saint Lazare et photographie la rue de la Chaussée d’Antin. Tout au fond, nous distinguons la rue Louis le Grand (pavillon de Hanovre à gauche).
En 1867, la rue de la Chaussée d’Antin va perdre 30 mètres (passant de 608 à 578 m), lors de l’élargissement à 20 mètres de la rue Saint Lazare, par retranchement sur les numéros impairs, qui est conjoint à la création d’un square et d’une place (aujourd’hui place d’Estienne d’Orves) en face de l’église de la Trinité que l’on est en train d’achever de construire, et au percement du prolongement de la rue Ollivier (plus tard rue Cardinal Fesh, et aujourd’hui rue de Châteaudun).
Tout à gauche sur la photo, un immeuble a déjà été démoli (probablement en 1865, no 72, rue de la Chaussée d’Antin et 59, rue Saint Lazare). Les immeubles à droite sont démolis en juillet 1867.
ANTIN (RUE DE LA CHAUSSÉE-D’). Commence à la rue Basse-du-Rempart, no 2, et au boulevard des Italiens, no 38 ; finit à la rue Saint-Lazare, nos 79 et 81 ; le dernier impair est 63 ; le dernier pair, 70 bis. Sa longueur est de 608 m. Les numéros impairs sont du 1er arrondissement, quartier de la place Vendôme ; les numéros pairs, du 2e, quartier de la Chaussée-d’Antin.
Cette rue, aujourd’hui l’une des plus belles de Paris, n’était encore, à la fin du dix-septième siècle, qu’un chemin tortueux qui commençait à la porte Gaillon et conduisait aux Porcherons. On l’appelait alors chemin de l’Égout-de-Gaillon, des Porcherons, de la Chaussée-de-Gaillon. Le Pré-des-Porcherons était pour les roués de la régence ce que le Pré-aux-Clercs avait été pour les raffinés de la ligue, un rendez-vous de débauches et de duels. Au commencement du dix-huitième siècle, le quartier Gaillon cherchait à s’étendre et brisait la digue que lui opposait le rempart. Un arrêt du conseil du 31 juillet 1720, ordonna de redresser le chemin de Gaillon jusqu’à la barrière des Porcherons (située rue Saint-Lazare), dans la largeur de 10 toises, et de planter ledit chemin d’un rang d’arbres de chaque côté. Mais le bureau de la Ville ayant représenté qu’il serait plus convenable et plus utile de faire une rue droite de 8 toises de large, et de redresser l’égout jusqu’à la barrière, une ordonnance du 4 décembre de la même année autorisa ce changement : l’égout fut revêtu de murs et voûté, et la rue percée et alignée d’après le plan présenté.
On la nomma rue de l’Hôtel-Dieu ; elle conduisait à une ferme appartenant à cet hôpital ; puis rue de la Chaussée-d’Antin, parce qu’elle commençait au rempart en face duquel avait été bâti l’hôtel d’Antin, depuis de Richelieu. — Mais cette voie publique n’était pas au bout de ses métamorphoses patronimiques.
Paris, le 5 avril 1791 : « Messieurs, l’Assemblée nationale et la ville de Paris ont rendu à M. Mirabeau les honneurs funèbres. Sa cendre sera déposée dans la basilique destinée aux grands hommes, et elle y sera placée la première. Cette reconnaissance publique est un devoir de la patrie ; elle est en même temps la politique d’un pays où l’on veut former les hommes. Une des destinations durables et publiques que l’on peut rendre à l’homme qui a si bien servi la constitution française, serait de donner son nom à la rue où il a habité et où nous l’avons perdu. On se rappellera toujours qu’il y a vécu. La tradition y conservera son nom. Il me paraît honorable pour la municipalité de l’y fixer. J’ai en conséquence l’honneur de proposer au conseil général d’arrêter que la rue de la Chaussée-d’Antin sera désormais appelée la rue de Mirabeau, et qu’une inscription conforme y sera sur-le-champ apposée. — Je suis avec respect, Messieurs, votre très-humble et très-obéissant serviteur, Bailly. »
Et plus bas, MM. du conseil général de la commune. « Le conseil général, délibérant sur la proposition de M. le maire, y a généralement applaudi, et d’une voix unanime a arrêté que la rue de la Chaussée-d’Antin sera désormais appelée la rue de Mirabeau, et qu’il y sera sur-le-champ apposé une inscription conforme. Charge le corps municipal de tenir la main à l’exécution du présent arrêté, qui sera imprimé, affiché et envoyé aux quarante-huit comités des sections. Approuvé, Oudet-Dejoly, secrétaire-greffier. » Peu de temps après, au-dessus de l’entrée de cet hôtel, qui porte aujourd’hui le no 42, et dont la reconstruction a eu lieu en 1836, fut scellée une table de marbre noir sur laquelle on grava en lettres d’or ces deux vers de Chénier :
L’âme de Mirabeau s’exhala dans ces lieux.
Hommes libres, pleurez ! Tyrans, baissez les yeux.
Cette inscription fut enlevée en 1793, et la rue porta le nom du Mont-Blanc, en mémoire de la réunion de ce département à la France par décret du 27 novembre 1792. — En 1816, la municipalité parisienne passa l’éponge sur l’inscription révolutionnaire, et cette voie publique reprit sa monarchique appellation. — Une décision ministérielle, du 28 février 1807, signée Champagny, et une ordonnance royale du 27 octobre 1847, ont fixé la moindre largeur de la rue de la Chaussée-d’Antin à 13 m. 64 c. Les maisons nos 66 et 68 sont seules soumises à redressement. Toutes les autres sont alignées.
La grande figure de Mirabeau n’est pas la seule illustration que rappelle à notre souvenir la rue de la Chaussée-d’Antin.
Un ministre financier, une danseuse célèbre, un cardinal, une séduisante et douce créole, depuis impératrice, un valeureux soldat de l’empire, qui devint sous la restauration l’orateur le plus brillant et le plus populaire, ont successivement habité cette rue. — Le financier s’appelait Necker ; son hôtel porte aujourd’hui le no 7. Ce fut ensuite l’hôtel Récamier. — L’hôtel du no 9, le palais de la danseuse, était plus somptueux que celui de l’ancien contrôleur général des finances. Mlle Guimard sut gagner, à la pointe de ses pirouettes, sa réputation, sa fortune et le cœur de cet excellent prince de Soubise, qui était plus à son aise aux pieds d’une danseuse qu’à la bataille de Rosbach, en face du grand Frédéric. Un jour, la jeune et belle damnée, en s’éveillant, se dégoûta de sa maison de Pantin, qui sentait la roture ; elle voulut un hôtel dans cette rue que hantait le beau monde. Ledoux se mit à l’œuvre, et bientôt une fête merveilleuse inaugura le temple de la déesse. Cet hôtel renfermait un théâtre assez vaste pour contenir cinq cents personnes. Après le ballet, Mlle Guimard se donnait le délassement de la comédie jouée par l’élite des pensionnaires du roi.
La maison no 62 a été construite en 1826, sur l’emplacement d’un petit hôtel habité par Joséphine avant son mariage avec Bonaparte. Dans ce même hôtel mourut, le 26 novembre 1825, l’illustre général Foy, à l’âge de cinquante ans.
[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]
À gauche, on devine une affiche “La mère Michel”. Ce livre de Pierre Alexis de Ponson du Terrail (1829-1871), second volume des Contes du Drapeau, est publié en 1866 (librairie L. Hachette et cie, cf. Catalogue annuel de la librairie française, 1866). La rue Saint Lazare est élargie en 1867.
Datation de la prise de vue : très probablement 1866, vers juillet.
—
No 153 | Rue de la Chaussée d’Antin, de la Trinité. 1866. | ||
State Library of Victoria | Musée Carnavalet | BHVP (négatif) | |
— | CARPH000407 | NV-004-C-0485 | |
— | 27.5 x 29.2 | 28.5 x 38 | |
— | 1865-1868 | vers 1867 |
—
Détail du processus de restauration [5208 x 1810 px].
—
—
Voir également :
Auteur(s) de la notice : Laurent Gloaguen.
Publié initialement le dimanche 1 mars 2015.
Dernière mise à jour le lundi 15 juin 2015.
Article classé dans : Charles Marville > Vues du Vieux Paris.
—