Rue des Prouvaires, c. 1865
Rue des Prouvaires, de la rue du Roule. Paris Ier. Circa 1865.
- Date : c. 1865
- Auteur : Charles Marville (1813-1879)
- Support : tirage sur papier albuminé, 27.2 x 27.8 cm
- Collection : BHDV, anct bibliothèque de la préfecture de la Seine
Version haute définition : 3000 x 3058 pixels.
Passant de 199 m à 53 m, la rue des Prouvaires va perdre 146 m en raison de la construction des Halles centrales et du prolongement de la rue Berger. En outre, elle devait perdre tous ses pairs restants pour être élargie et alignée sur la voie couverte qui traverse les Halles.
Enfin, un projet de voie en biais (voir tracé pointillé rose de son amorce sur le plan ci-dessous), symétrique à la rue des Halles, aurait modifié le débouché de la rue des Prouvaires sur la rue Saint Honoré. Ce projet n’a pas abouti.
Le bel immeuble du coin à gauche, qui date du tout début du XVIIIe siècle, existe toujours. Le balcon, qui a malheureusement perdu ses consoles décoratives pour ne laisser que les jambettes de fer, est inscrit aux Monuments historiques par arrêté du 9 janvier 1926. Tous les immeubles de droite ont disparu.
PROUVAIRES (RUE DES). Commence à la rue Saint-Honoré, nos 52 et 54 ; finit en face du portail méridional de Saint-Eustache. Le dernier impair est 7 ; le dernier pair, 22. Sa longueur est de 199 m. — 3e arrondissement, quartier Saint-Eustache.
Le véritable nom de cette rue est celui des Provoires. Ce mot, dans l’ancien langage, signifiait prêtres. En effet, dès le treizième siècle, les prêtres de Saint-Eustache y demeuraient. On lit dans une chronique du quatorzième siècle que li provoires chantèrent leurs litanies par la ville, et gittèrent eau bénite par les hosteux. — Une décision ministérielle du 9 germinal an XIII, signée Champagny, fixa la largeur de la rue des Prouvaires à 11 m. En 1816, les propriétés de 21 à 43 furent démolies pour faciliter l’établissement du marché des Prouvaires. En vertu d’une ordonnance royale du 15 janvier 1844, sa largeur devait être portée à 13 m. dans toute son étendue. En 1848, les propriétés nos de 24 à 40 furent démolies pour l’agrandissement des Halles. Conformément à un décret impérial du 21 juin 1854, la partie qui traversera les Halles aura 15 m. de largeur, et toutes les maisons du côté des numéros pairs seront expropriées. La maison n° 7 est alignée.
Sous Louis XI, cette rue était une des plus belles de la capitale. En 1476, Alphonse V, roi de Portugal, vint à Paris solliciter des secours contre Ferdinand, fils du roi d’Aragon, qui lui avait enlevé la Castille. Louis XI, qui avait de grands embarras à surmonter et qui désirait conserver l’amitié de Ferdinand, sans toutefois compromettre l’alliance d’Alphonse V, commença par ordonner qu’on rendît dans tout son royaume les plus grands honneurs à son hôte. Dès qu’il fut arrivé à Paris, il lui procura tous les agréments possibles, le logea rue des Prouvaires, chez un nommé Laurent Herbelot, riche épicier, qui possédait une demeure vraiment royale. Flatté de cette réception, le roi de Portugal laissa passer quelques jours sans parler au roi de France du motif de son voyage. Enfin, après avoir observé très-exactement toutes les convenances, Alphonse se rendit à la Bastille, séjour ordinaire de Louis XI, lorsqu’il daignait venir à Paris. « Mon frère de Portugal, dit le roi de France dès qu’il l’aperçut, nous vous prions de nous faire l’honneur d’aller avec nous au Palais, nous entendrons plaider une cause qui promet d’être intéressante. » Charmé de cette nouvelle politesse, le Portugais ne put décemment causer d’une autre affaire. Le lendemain il revint à la Bastille : à peine ouvrait-il la bouche, que Louis XI lui annonça qu’il avait promis en son nom à l’évêque, d’assister à la réception d’un docteur en théologie ; et pour le contraindre à rester dans sa demeure, il continua sur le même ton, en l’accablant de protestations d’amitié : « Nous avons ordonné pour le 1er décembre une procession de l’Université, qui doit avoir l’honneur de passer sous vos fenêtres. » Alphonse V reçut quelques jours après plusieurs messages qui l’engageaient à retourner en Portugal. Il quitta la France sans avoir pu obtenir le secours qu’il demandait, mais trop pénétré cependant de l’accueil cordial que lui avait fait Louis XI pour penser à devenir son ennemi. — La tradition a conservé dans ce quartier la désignation de l’hôtel qui eut l’honneur insigne de servir de demeure au roi de Portugal, durant son séjour à Paris. Une partie de cet hôtel est représentée aujourd’hui par la maison no 22.
[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]
Ci-dessus, ce plan (vers 1858) montre le projet d’amorce de voie symétrique à la rue des Halles.
Calicot à gauche, sur le 54, rue Saint Honoré : “PRIATION (…) ain de la (…) Robin (…) s Halles 27”. Il signifie que à la suite de son expropriation, la pharmacie Robin va prochainement s’installer ici. La pharmacie Robin avait deux adresses au début des années 1860 : 27, rue de la Poterie des Halles, à l’enseigne Au Mortier d’or, et 10, rue de la Tonnellerie. Ces deux maisons voisines sont expropriées pour le percement des rues du Pont Neuf et des Halles. Les matériaux à provenir de leur démolition ont été adjugés le 10 mars 1866 (cf. Recueil des actes administratifs de la Préfecture du département de la Seine, 1866, no 3), ce qui laisse présager une démolition entre mars et mai. La pharmacie Robin s’est probablement installée rue Saint Honoré fin décembre ou début janvier. Nous en déduisons que cette photographie date probablement de fin 1865. Cette thèse est accréditée par le fait que nous voyons le no 8 de la rue du Contrat Social (et 14, rue des Prouvaires) qui doit aussi être démoli vers mars-mai 1866.
Cependant, cette datation suscite une surprise : la couverture de la voie entre les pavillons nos 3 et 5 aurait ainsi été réalisée avant la construction du pavillon no 5 qui n’a débuté que vers janvier 1867. Après recherches, nous apprenons que le passage souterrain entre les deux pavillons a été réalisé de décembre 1864 à mai 1865, laissant les fondations nécessaires à l’édification de la couverture :
On vient d’achever les fouilles du souterrain qui doit s’étendre sous la rue couverte du groupe occidental des halles centrales, et l’on va commencer à couler le béton qui formera la base des supports de cette voie couverte. Cela fait, il faudra nécessairement, pour bâtir les pavillons nos 7 et 8 (5 et 6), jeter bas le pavillon de pierre qui sert provisoirement à la vente à la criée de la viande, puis démolir ce qui reste de la rue de la Tonnellerie et une partie de la rue des Prouvaires ; celle du Contrat-Social, qui va de l’une à l’autre, doit disparaître également dans cet abattis de maisons, par lequel les deux sections de la rue Berger se trouveront réunies.
L’ouverture de la grande voie qui doit venir du pont Neuf et passer entre les deux groupes des halles centrales est le complément nécessaire de ce projet et constituera le grand dégagement de notre marché central au sud.
[Le Constructeur. 15 janvier 1865.]
Aux halles centrales, quoique les travaux ne soient pas poussés très-activement, on continue l’œuvre entreprise depuis si longtemps, et l’on est en train de construire à gauche du pavillon de la boucherie les souterrains qui régneront sous la rue couverte du groupe occidental.
Ces caves forment trois longues galeries, qui seront occupées par des magasins séparés les uns des autres par des cloisons de briques. Les maisons encore existantes de la rue des Prouvaires empêchent de poursuivre ces constructions en sous-sol au-delà de l’alignement du grand passage couvert qui traversera toutes les halles d’est en ouest ; mais les expropriations dont la ville s’occupe en ce moment nous porte à croire qu’on ne tardera à démolir tout ce qui reste de la rue de la Tonnellerie, et les maisons de la rue des Prouvaires jusqu’à la rue Berger, de façon qu’alors on n’aura plus qu’à jeter bas le pavillon de pierre, cet échantillon malheureux de ce qu’on voulait faire d’abord, pour avoir l’emplacement nécessaire à la construction des pavillons 7 et 8 (5 et 6) qui constitueront avec les deux pavillons de la boucherie et de la volaille, le groupe occidental. Alors aussi, on pourra tracer entre les deux groupes cette large voie plantée dont on a le projet et qui se raccordera avec la rue oblique également projetée entre les halles et le pont Neuf.
Il restera ensuite à démolir toutes les maisons qui entourent la halle aux blés, pour élever autour de cette vaste rotonde les quatre pavillons, à façade concave, par lesquels on terminera l’ensemble des halles centrales. Cet immense marché aura alors pour bordure la rue de Rambuteau au nord, la rue Berger au sud, la rue des Halles-Centrales à l’est, et la rue du Louvre prolongée au couchant.
[Le Constructeur. 15 avril 1865.]
Datation : fin 1865 ou début 1866.
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No 31 | Rue des Prouvaires, de la rue du Roule. Fin 1865 ou début 1866. | ||
State Library of Victoria | Musée Carnavalet | BHVP (négatif) | |
— | CARPH000558 | NV-004-C-0431 | |
— | 27.4 x 28.7 | 27.3 x 35.9 | |
— | 1865-1868 | 1868-1869 |
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Voir également :
Auteur(s) de la notice : Laurent Gloaguen.
Publié initialement le lundi 7 juillet 2014.
Dernière mise à jour le jeudi 11 décembre 2014.
Article classé dans : Charles Marville > Vues du Vieux Paris.
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