Rue de la Ferronnerie, 1865

Marville : rue de la Ferronnerie

Rue de la Ferronnerie, de la rue Saint Honoré. Paris Ier. 1865.

Version haute définition : 3000 x 3095 pixels.

L’immeuble au premier plan à gauche, datant peut-être des années 1790 (postérieur à la fermeture du cimetière des Innocents en 1786), no 2, rue de la Lingerie et 14, rue de la Ferronnerie, va être démoli à l’occasion du prolongement de la rue des Halles (1866).

À l’exception de sa fin légèrement amputée, côté rue des Halles, la rue de la Ferronnerie a peu changé depuis cette photographie.

Plan rue de la Ferronnerie

FERRONNERIE (RUE DE LA). Commence à la rue Saint-Denis, no 87 ; finit aux rues des Déchargeurs, no 20, et de la Lingerie, no 2. Le dernier impair est 39 ; le dernier pair, 14. Sa longueur est de 120 m. — 4e arrondissement, quartier des Marchés.

Avant saint Louis, c’était la rue de la Charonnerie (vicus Karonnorum). Ce roi ayant permis à de pauvres ferrons (marchands de fers) d’occuper les places qui régnaient le long des charniers, la rue prit à cette occasion le nom de la Ferronnerie. Un titre de l’abbaye Saint-Antoine-des-Champs, de 1229, constate cette dénomination. Ces ferrons bâtirent quelque temps après des boutiques en bois. En 1474, Louis XI accorda ce même emplacement aux marguilliers des Saints-Innocents, et leur permit d’y faire construire plusieurs petits bâtiments en bois, ayant la même largeur que les auvents qu’ils devaient remplacer. À ces constructions légères succédèrent bientôt de véritables maisons qui obstruèrent tellement cette rue, que le roi Henri II voulut y remédier par son édit du 14 mai 1554. La négligence du Prévôt des marchands et des échevins causa plus tard un grand malheur. Le vendredi 14 mai 1610, à quatre heures après midi, le roi Henri IV se rendait du Louvre à l’Arsenal, et passait par la rue de la Ferronnerie. Un embarras de voitures ayant arrêté son carrosse, ses valets de pied quittèrent la rue et passèrent par une des galeries du charnier des Innocents. Dans ce moment, le roi se penchait pour causer avec le duc d’Épernon ; alors un homme s’avance, monte sur les roues de la voiture, porte au roi, à l’endroit du cœur, un coup de couteau qui lui arrache ces mots, les derniers qu’il ait prononcés : « Je suis blessé ! » Sans se déconcerter, l’assassin donne un second coup ; le premier était mortel, le second ne l’était pas ; un troisième est encore porté, mais le roi parvint à l’esquiver. — « Chose surprenante (dit l’Estoile), nul des seigneurs qui étaient dans le carrosse n’a vu frapper le roi, et si ce monstre d’enfer eut jeté son couteau, on n’aurait su à qui s’en prendre, mais il s’est tenu là pour se faire voir et pour se glorifier du plus grand des assassinats. » — Par une coïncidence remarquable, l’édit de Henri II, qui prescrivait l’élargissement de la rue de la Ferronnerie, avait été rendu le 14 mai 1554, et Henri IV fut assassiné le 14 mai 1610. Cette perte cruelle ne servit pourtant pas de leçon, et la rue ne fut élargie qu’en 1671, conformément à l’arrêt du Conseil dont nous transcrivons un extrait : — « Le Roy ayant aucunement esgard aux requestes qui lui ont esté présentées par les doyens, chanoines et chappitre de Saint-Germain-l’Auxerrois, a ordonné et ordonne que, suivant leurs offres, ils feront travailler incessamment, à leurs dépens, à l’ouverture et eslargissement de la rue de la Ferronnerie en toute sa longueur, et à la construction des maisons qui termineront ladite rue du costé du cimetière des Saincts Innocents, et pour cet effet, ordonne sadite Majesté, que ladite rue sera eslargie et conduite en droitte alignement, depuis l’extrémité et encoignure de ladite rue de la Lingerie jusqu’à l’autre extrémité du costé de la rue Saint-Denis, à chacune desquelles extrémittez aura ladite rue trente pieds de largeur, et pour ce faire seront démolies les petites maisons, boutiques et échoppes qui sont en ladite rue de la Ferronnerie, adossées contre les murs du charnier dudit cimetière, etc., et pour terminer ladite rue de la Ferronnerie, du costé dudit cimetière, sera faitte une fassade de bastiment de pierre de taille de douze corps de logis double, outre un demy qui sera à chaque bout, lesquels corps de logis seront de trente-trois pieds de profondeur chacun hors d’œuvre par bas, et outre ce auront trois pieds de saillie au dedans dudit cimetière et au-dessus du charnier, desquels corps de logis la face du costé de la rue de la Ferronnerie sera accompagnée d’ornement d’architecture, conformément au plan et dessin qui sera paraphé, etc. Ordonne sadite Majesté qu’au lieu des charniers qui sont présentement, en seront bastis d’autres au-dessous desdits corps de logis, etc. Fait au conseil d’État du Roy, le 18e octobre 1669. Signé PUSSORT, SÉGUIER, COLBERT. »

Avant la première révolution, près de l’endroit où l’assassinat de Henri IV fut commis, dans la rue Saint-Honoré, un propriétaire plaça sur sa maison, qui porte le n° 3, le buste du Béarnais, au bas duquel il fit graver l’inscription suivante : Henrici Magni recreat presentia civez, Quoi illi æterno fœdere junxit amor. Enlevée pendant la révolution, elle fut replacée vers 1816. — Une décision ministérielle du 28 messidor an V, signée Benezech, fixa à 12 m. la moindre largeur de la rue de la Ferronnerie. En vertu d’une ordonnance royale du 9 décembre 1838, cette moindre largeur devra être portée à 16 m. 60 c. — Les maisons nos 17, 19, 27, 33, 35 et toutes les constructions du côté des numéros pairs ne sont pas soumises à retranchement. — En vertu d’un décret impérial du 21 juin 1854, les maisons nos 1, 3, 5, 2, 6, 8 et 14 seront expropriées et démolies.

[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]

Le plan parcellaire des propriétés à exproprier pour “exécuter l’achèvement de la rue des Halles entre la place Sainte-Opportune et la rue de la Tonnellerie” est publié le 6 septembre 1865 (cf. Recueil des actes administratifs de la Préfecture du département de la Seine, 1865, no 9). Les matériaux à provenir de la démolition du numéro 2 de la rue de la Lingerie ont été adjugés le 26 janvier 1866 (cf. Recueil des actes administratifs de la Préfecture du département de la Seine, 1866, no 1). L’immeuble était exproprié au 1er janvier 1866 (cf.).

Sur le calicot de la rue Sainte Opportune, nous lisons : “[…] QUINZE JANVIER […] LE COMMERCE DE BEUR[RE …] RUE St HONORÉ No 5[…]”. Cela devrait signifier qu’un commerce de beurre, exproprié de la rue Saint-Honoré, s’installerait là au 6 de la rue Sainte-Opportune, le 15 janvier 1866. Nous en trouvons confirmation avec la photo de la rue Tirechape où l’on peut voir un calicot sur le 59, rue Saint Honoré : “[A]u 15 janvier, [Comm]erce de beurre et d’œufs [tra]nsféré rue Ste Opportune no 6”. Il s’agit de la maison Riaut.

Affiche “Étrennes 18[66]. Mouchoirs brodés, foulards des Indes, boulevard de Sébastopol”.

Les travaux de percement de la rue des Halles ont été achevés en 1866. La rue est entièrement livrée à la circulation en avril 1867.

Datation : probablement décembre 1865, éventuellement début janvier 1866.

No 28Rue de la Ferronnerie, de la rue Saint Honoré. Décembre 1865.
State Library of VictoriaMusée CarnavaletBHVP (négatif)
CARPH000547NV-004-C-0473
27.2 x 28.427.4 x 36.1
1865-18681868

Position estimée