À la borne-fontaine, 1921

À la borne-fontaine

À la borne-fontaine. Paris. 11 juillet 1921.

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Le 11 juillet 1921, 35.1° C ont été enregistrés (station météo de Paris-Montsouris). Le Parisien a pu mobiliser ses dernières forces pour faire ce qu’il aime par dessus tout : se plaindre.

Trente-six degrés ! Paris était, hier, pitoyable à voir. Bêtes et gens tiraient la langue, les terrasses de café regorgeaient de clients affalés, réclamant aux garçons affolés qui un demi, qui une citronnade, avec une paille pour faire durer plus longtemps l’illusion d’avoir frais.

Et ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient s’arrêter aux terrasses s’en allaient, suivant l’ombre rare, rasant les murs, le chapeau bas, le mouchoir au front.

Et ceux qui devaient passer les ponts, chauffés à blanc, après avoir hésité, se lançaient d’un coup et faisaient l’étape d’une haleine.

Jusqu’aux taxis qui, n’en pouvant plus, rendaient bruyamment l’âme de leurs pneus. pif ! paf !

Et les arbres… les grands arbres attachés au sol où on les planta, dans le bitume, obligés de rester sur leur soif, penchés désespérément au-dessus de la Seine qu’ils bordent, grillés, roussis, pleuraient de toutes leurs feuilles les douces ondées, voire les dures douches de l’orage…

Heureusement, tout ira bien mieux aujourd’hui, les météorologues, qu’il faut croire toutes les fois que ce qu’ils nous disent concorde avec nos désirs, nous annoncent, pour ce matin un abaissement sensible de la température : trois degrés déclarent les uns, quatre degrés affirment les autres ; la moyenne des deux opinions nous donne trois degrés et demi, c’est toujours ça.

Une chose nous doit rassurer cependant, c’est que, malgré cette chaleur anormale, nous n’aurons pas à souffrir du manque d’eau. C’est du moins ce qui a été affirmé hier à la tribune du Conseil municipal.

L’administration préfectorale, d’accord avec la commission, a mis tout en œuvre pour parer à la disette que la sécheresse faisait prévoir. Elle a, notamment, considérablement développé la production des bassins filtrants d’Ivry et de Saint-Maur, qui remédient à la défaillance des sources. Aussi, à l’heure actuelle, alors que partout en France on se plaint du manque d’eau, l’approvisionnement de Paris est normalement assuré et continuera à l’être, si chacun évite le gaspillage. Si, dans les quartiers élevés d’Auteuil, les robinets des étages supérieurs ne coulent pas, c’est parce que ceux des étages inférieurs coulent trop.

À la condition que les Parisiens se montrent économes, nous ne manquerons donc pas d’eau, et il n’est pas question, pour le moment, d’en interrompre la consommation.

[Le Parisien. 12 juillet 1921.]

Il fait si chaud qu’on annulera la Revue du 14 juillet.