Cour du Dragon, c. 1866
Entrée de la cour du Dragon, du carrefour Saint Benoît. Paris VIe. Vers 1866.
- Date : vers 1866
- Auteur : Charles Marville (1813-1879)
- Support : tirage sur papier albuminé, 27.2 x 31.8 cm
- Collection : BHDV, anct bibliothèque de la préfecture de la Seine
Version haute définition : 2600 x 3046 pixels.
Cour du Dragon, de la rue de l’Égout. Paris VIe. Vers 1866.
- Date : vers 1866
- Auteur : Charles Marville (1813-1879)
- Support : tirage sur papier albuminé, 27 x 33.8 cm
- Collection : BHDV, anct bibliothèque de la préfecture de la Seine
Version haute définition : 2600 x 3261 pixels.
Sur la première photographie, Marville se trouve carrefour Saint Benoît et photographie l’entrée de la cour du Dragon, située au no 8 de la rue de l’Égout. À gauche, nous voyons le débouché de la rue Gozlin. La rue de l’Égoût et le carrefour Saint Benoît vont disparaître en octobre-décembre 1867 en raison du prolongement de la rue de Rennes.
Sur la seconde photographie, Marville photographie l’intérieur de la cour, en direction de la rue du Dragon. L’immeuble au fond est le no 7 de la rue du Dragon.
Plan des expropriations de 1867. Juste en lisière du tracé de la rue de Rennes prolongée, l’entrée de la cour du Dragon est provisoirement épargnée. [1600 x 1000 px.]
Positions de Marville. [1600 x 1000 px.]
DRAGON (COUR DU). Commence à la rue de l’Égout, no 8 ; finit à la rue du Dragon, no 7. Le dernier impair est 15 ; le dernier pair, 10. — 10e arrondissement, quartier de la Monnaie.
Cette cour, qui est propriété particulière, a été formée à la fin du siècle dernier et doit son nom à un dragon sculpté sur l’une de ses portes.
[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]
La cour du Dragon, créée vers 1732, faisait passage entre la rue du Sépulcre et la rue de l’Égout. Son promoteur avait choisi de l’appeler du Dragon en raison de la rue Sainte Marguerite (plus tard dénommée rue Gozlin) qui était presque en face de son entrée principale (faisant ainsi référence à l’épisode du dragon dans la vie de Sainte Marguerite d’Antioche).
La rue du Dragon, qui s’appelait rue du Sépulcre jusqu’en 1806, tient son nom de la cour qui disposait d’une entrée au no 7 de cette rue.
Le terrain où fut bâti ce passage était occupé dès 1652 par un manège d’équitation qui appartenait en 1687 à l’Académie du sieur de Longpré, un établissement dédié à la bonne éducation des jeunes gentilshommes.
Le passage fut créé vers 1732 par Antoine Crozat (1655-1738), un financier fortuné qui avait acheté la parcelle pour la lotir et en tirer des revenus locatifs. Après la mort de Crozat en 1738, les travaux seront achevés par sa veuve, Marguerite Crozat (1670-1742), née le Gendre d’Armeny.
Pour l’entrée côté rue de l’Égout, presque face au débouché de la rue Sainte Marguerite, on construit un portail monumental dans le style Louis XV, orné d’une figure de dragon destinée à rappeler le nom de la cour (nom en référence à Sainte Marguerite). Cette sculpture ornementale — en quelque sorte une enseigne — est confiée à Paul Ambroise Slodtz (1702-1758) et la façade est dessinée par l’architecte Pierre de Vigny (1690-1772).
[La cour du Dragon est parfois attribuée à l’architecte Jean-Sylvain Cartaud (1675-1758), mais c’est douteux — il s’agit probablement d’une confusion issue du fait que Cartaud travaillait pour le frère d’Antoine, Pierre Crozat (1661-1740), pour lequel il a dessiné l’hôtel de la rue de Richelieu.]
De la Révolution aux années 1870, la cour du Dragon a été un haut lieu de la ferronnerie et de la serrurerie, et particulièrement de la fabrication de grilles, comme nous pouvons le vérifier sur la photographie de Marville.
En 1867, l’entrée sur la rue de l’Égout est épargnée par le percement de la rue de Rennes alors que la logique de l’époque eût voulu qu’on la détruisît. Il est possible que l’administration haussmannienne ait eu des scrupules à démolir cet édifice, ou bien que le propriétaire ait eu des relations lui permettant de surseoir à l’expropriation.
Porte du Dragon sur la rue de Rennes en 1898. Photographie Eugène Atget, BNF. Cette photographie donne un bon aperçu du décrochement de l’immeuble par rapport à l’alignement de la rue de Rennes. [2600 x 3080 px.]
Début 1921, l’ensemble de la cour du Dragon fait l’objet d’un vœu de classement aux monuments historiques par la Commission municipale du Vieux Paris. Le propriétaire, afin de se prémunir de tout éventuel succès des demandes de classement en cours, commence à faire démolir les maisons sur cour en 1925 (cf. procès-verbal de la CMVP du 28 novembre 1925). Née de la spéculation immobilière au XVIIIe siècle, la cour du Dragon va mourir du même motif au XXe.
La cour est remplacée par un grand immeuble terminé en 1938 (donc on peut deviner le style sur la petite façade en brique qui a été partiellement conservée au 7, rue du Dragon). L’immeuble au dragon, en retrait de l’alignement de la rue de Rennes, est cependant encore épargné.
À la même époque, le propriétaire s’engage à démonter la façade pierre par pierre pour la remonter sur l’alignement de la rue de Rennes, ce qui a l’agrément de la Commission du Vieux Paris. Les pierres sont numérotées à cet effet en juillet 1939. Mais la guerre va suspendre le projet.
Le sauvetage de la façade est abandonné après guerre : à force de manigances de la Société immobilière de la Cour du Dragon, la démolition sans conservation des pierres est autorisée par arrêté du 26 juillet 1954, avec seule réserve de sauver la sculpture du dragon.
L’intéressant immeuble du XVIIIe siècle est ainsi remplacé en 1958 par un nouveau, purement fonctionnel et d’une grande laideur, abritant un supermarché Monoprix et une école catholique, le Cours Désir (la SCI appartenait alors à plus de 90 % à la congrégation des Religieuses du Sacré-Cœur de Marie).
En 1999, les deux immeubles (celui de 1938 qui avait remplacé la cour et celui de 1958 qui avait remplacé la porte au dragon sur la rue de Rennes) sont démolis et reconstruits par la Cogedim. La société immobilière fait placer au-dessus de la porte, sur la rue de Rennes, un moulage de la sculpture de Slodtz en résine et poussière de marbre (décoration qui, hors le contexte d’une façade de style rocaille et d’un rôle de soutien de balcon, n’a pas grand sens). La façade est un triste pastiche d’immeuble haussmannien, signé de l’architecte Raymond Ichbiah (qui doit cependant assumer son œuvre puisque son nom y est gravé dans la pierre).
La sculpture originale a été heureusement préservée, comme l’exigeait le permis de démolir de 1954, et fait partie depuis 1955 des collections du Musée du Louvre (M5037011969).
Le dragon de Paul Ambroise Slodtz, vers 1735, conservé au musée du Louvre. [Photo Jospe, Wikimedia Commons, licence.]
[La notice du Louvre dit de façon erronée : “décor de la clef de l’arc servant de souche au balcon du portail de l’hôtel particulier du financier Antoine Crozat”. L’hôtel de Crozat était au 17 de la place Vendôme — le financier y vécut jusqu’à sa mort en 1738. La cour du Dragon était pour Crozat une simple opération immobilière, et ses plans ne correspondent en aucun cas à un hôtel et encore moins à l’hôtel du “plus riche homme de Paris” selon Saint-Simon.]
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À la suite du décret d’utilité publique du 28 juillet 1866, la rue de Rennes, créée en 1854 du boulevard du Montparnasse à la rue de Vaugirard, va être prolongée en avril-septembre 1867 jusqu’à la rue du Vieux Colombier et d’octobre 1867 à avril 1868 jusqu’à l’église Saint Germain des Prés.
La suppression des rues Beurrière, Neuve Guillemin, et de l’Égout, est déclarée d’utilité publique dans le décret du 28 juillet 1866 relatif à la rue de Rennes prolongée et ses abords.
Sur la première photographie, affiche “La Bande noire”. Peut-être le drame en sept tableaux, de MM. Paul Foucher et Michel Delaporte, produit au théâtre Beaumarchais en février 1866.Datation de la prise de vue : vers 1866, début octobre 1867 au plus tard.
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No 209 | Entrée de la cour du Dragon, du carrefour Saint Benoît. Vers 1866. | ||
State Library of Victoria | Musée Carnavalet | BHVP (négatif) | |
— | CARPH000872 | — | |
— | 27.1 x 32.2 | — | |
— | 1865-1868 | — | |
No 210 | Cour du Dragon, de la rue de l’Égout. Vers 1866. | ||
State Library of Victoria | Musée Carnavalet | BHVP (négatif) | |
H88.19/64 | CARPH000874 | — | |
27 x 33.8 | 27.1 x 33.8 | — | |
vers 1877 | 1865-1868 | — |
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- Support : tirage sur papier albuminé, 27 x 33.8 cm
- Collection : State Library of Victoria
Version haute définition : 2600 x 3218 pixels.
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[Notice revue et augmentée le 26 juillet 2015.]
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Voir également :
Auteur(s) de la notice : Laurent Gloaguen.
Publié initialement le lundi 24 février 2014.
Dernière mise à jour le dimanche 26 juillet 2015.
Article classé dans : Charles Marville > Vues du Vieux Paris.
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1. Le 25 février 2014,
TDM
Ok la nouvelle facade de Monoprix est loin de casser des briques, mais est-on réellement capable de faire beaucoup mieux à Paris actuellement, en partant de rien ? Au moins avec celui-ci on sait que l'on aura pas envie de vomir en le regardant dans 20 ans...
2. Le 25 février 2014,
Jérôme
Merci pour tous ces éclaircissements! Je m'étais souvent demandé ce que venait faire le dragon sur cette façade.
Et j'adore que les trois diables soient en vis-à-vis de la grâce de Dieu!
3. Le 27 février 2014,
Romain
Je me permets de préciser le lien vers le PV de la CMVP (du 28 novembre 1925) cité dans cet article : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bp...
4. Le 27 février 2014,
Vergue
Merci.
5. Le 13 décembre 2014,
Ichbiah
Je suis le triste auteur de ce pastiche seule type de façade autorisée par les architectes des bâtiments de France, les comités saint germain des près les édiles municipaux après quatre ans de refus d'autre chose que ce pastiche reconnu par l'académie d'architecture comme un rare bon exemple de ce qu'on peut faire avec des règles stupides.
Ps pour mémoire tous mes immeubles sont signés dates ( Nina Ricci avenue Montaigne par exemple)