Boulevard Henri IV, de la place de la Bastille, 1876

Charles Marville : boulevard Henri IV, de la place de la Bastille

Boulevard Henri IV, de la place de la Bastille. Paris IVe. 1876.

Version haute définition : 3961 x 2600 pixels.

Cette photographie est le pendant de la vue réalisée à l’autre extrémité, de la rue de Sully.

Au fond, nous apercevons l’église Sainte-Geneviève (le Panthéon).

De façon assez inattendue, j’ai découvert que les immeubles que nous voyons en première ligne existent encore de nos jours.

À gauche, c’est le 15 rue de la Cerisaie (n° 7 avant 1879), un charmant petit immeuble à porte-cochère cintrée qu’on peut voir aussi sur cette photographie de la rue de la Cerisaie, et qui est aujourd’hui joliment restauré.

Cette maison est parfois incorrectement appelée, y compris dans la liste des protections du Plan local d’urbanisme, “Hôtel Titon du Tilliet” :

15 rue de la Cerisaie. Hôtel Titon du Tilliet, construit dans le dernier quart du XVIIe siècle, il appartient en 1690 à Titon du Tillet. Il offre une remarquable façade en pierre de taille Louis XIV composée de trois travées et de trois étages carrés sur rez-de-chaussée, ornée d’appuis de fenêtre en fer forgé, de bas-reliefs couronnant les baies des deux étages, et d’une balustrade coiffant l’élévation. Bandeaux d’étage plats. Remarquable porte-cochère cintrée à vantaux en bois conservés ornée d’écoinçons sculptés. Sur le cartouche du portail se lit “Chambre Syndicale de l’ameublement”, société propriétaire au début du siècle.

[Protections patrimoniales – 4e arrondissement. Règlement du PLU, Tome 2, Annexe VI, Page 107.]

Mais Évrard Titon du Tillet, fils de Maximilien Titon, est né en janvier 1677, et treize ans (en 1690), même à l’époque, c’est un peu jeune pour avoir son propre hôtel particulier.

En outre, il me semble qu’il y a une regrettable confusion d’immeubles, qui tient du fait que bien des historiens amateurs oublient que les numérotations des rues peuvent changer. Si vous vous basez sur un ouvrage publié en 1873 comme celui de Charles Lefeuve, Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, il faut prendre en compte le fait que la rue de la Cerisaie a été complètement renumérotée en mai 1879. Ainsi, les numéros 13, 15 et 17 cités par Charles Lefeuve (réf. Gallica) n’existent plus, ils étaient sur le tracé du boulevard Henri IV et ont été démolis en 1876. À la décharge du PLU, l’erreur figure dans beaucoup de livres postérieurs à 1879, y compris dans le Dictionnaire historique des rues de Paris de Jacques Hillairet.

Ancienne numérotation de la rue de la Cerisaie

[Ancienne numérotation de la rue de la Cerisaie. En rouge framboise, le bâti antérieur à 1800 qui existe encore de nos jours. ©APUR/ALPAGE.]

Les anciens numéros 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21, 23, 25, 27, 29 ont été expropriés et démolis en 1876. Y compris ce qui pouvait rester d’un supposé hôtel Titon du Tilliet à cet endroit.

15, rue de la Cerisaie

[Image Google Street View.]

Nous pouvons voir sur les photos de Marville que l’immeuble ne semble pas avoir le joli décor sculpté d’aujourd’hui. Je suppose qu’il date de l’époque où l’immeuble était le siège de la Chambre syndicale de l’ameublement (à partir de 1880 environ).

À droite, ce sont les 1 et 3 rue Castex (n° 7 et 9 avant 1879). Ces immeubles modestes, qui ont le style des années 1830-40, ont malgré tout survécu, et l’angle formé par le 1 de la rue Castex et le 35 du boulevard Henri IV est aujourd’hui visuellement assez surprenant :

1, rue Castex

[Image Google Street View.]

Sur la banderole du boulanger-pâtissier de la photo de Marville, on peut arriver à lire “Ouverture de la boulangerie dimanche prochain 17 Ibre”, ou quelque chose d’approchant. Je connais les abréviations “7bre, 8bre, 9bre, Xbre”, courantes au XIXe siècle, qui correspondaient en France aux mois de septembre à décembre. Mais “Ibre” m’a laissé perplexe. J’ai donc cherché les “dimanche 17” possibles en 1876. Il y a le 17 septembre, mais c’est trop tôt. Il s’agirait donc du dimanche 17 décembre 1876. On ne voit guère mieux sur le tirage du musée Carnavalet, aussi, je m’interroge toujours sur cette inhabituelle abréviation. [Mise à jour : en regardant bien, il s’agit en fait d’un “X” très étroit, je confirme donc la date de décembre 1876.] [Seconde mise à jour : on voit bien mieux la banderole sur cette photo de la rue Castex ; aucun doute possible, c’est bien décembre.]

Le “pignon à louer” (pour de la publicité, bien sûr…) est celui du 25 rue de la Cerisaie (n° 31 avant 1879). Tous les bâtiments situés au-delà appartiennent à la caserne du Petit-Musc, sujet que j’ai couvert sur la vue du boulevard de la rue de Sully.

Références. Carnavalet, tirage CARPH000928 (numéroté 539) [daté 1872-1879]. BHVP, négatif verre au collodion, 29 x 38 cm, NV-004-C-0353 [daté 1878].

Position estimée

  • 1. Le 14 janvier 2014,
    Almarenan

    Encore une fois très impressionné par la précision des commentaires sur l'image, bravo, du beau travail.
    La chose que je n'arrive pas à comprendre depuis que j'ai découvert ce site c'est la raison de la présence aux US de ce fond historique dans lequel tu puises ... ?

  • 2. Le 14 janvier 2014,
    Vergue

    C'est un fond australien. Ce sont des séries de photos présentées par la France à l’Exposition internationale de Melbourne de 1880. À l'issue de l'exposition, elles ont été offertes au gouvernement australien.

  • 3. Le 14 janvier 2014,
    Gilles

    Superbe travail ! Et les photos et les commentaires. Un véritable régal. Merci.

  • 4. Le 14 janvier 2014,
    Almarenan

    Oh là oui, Victoria (!), j'aurais du faire un peu attention ! #MyBad