Vue de la Seine, 1851

Charles Marville : vue de la Seine du pont du Carrousel

Vue de la Seine du pont du Carrousel. Paris. Vers 1851.

Version haute définition : 4000 x 1512 pixels.

À gauche, le port Saint-Nicolas. À droite, le quai Malaquais et le port des Saint-Pères, en travaux.

La partie est de la Galerie du bord de l’eau est en travaux de 1849 à 1856. Construite de 1595 à 1610 sous Henri IV, par Étienne Dupeirac et Louis Métézeau, sa décoration avait été laissée incomplète.

On peut lire : “Paris — Rouen — Le Havre — Bateaux Vapeur — ? Daily”. “Bureau du Poids Public”.

Ajout du 21/06/2015. Contrairement à ce que pourrait laisser croire la signature de Marville, la date de prise de vue est vraisemblablement 1851, et non 1853. On voit sur la photographie qu’une arche du grand bras du Pont-Neuf est en travaux et que cette partie du pont comporte encore ses boutiques, or, les travaux sur cette partie sont achevés en 1852 et les boutiques n’existent plus à cette date. D’autres détails accréditent cette datation (avancement du chantier du quai de Conti, etc.). Cf. commentaires sous cette notice.

Restauration du pont Neuf. — Documents officiels. — Les grands journaux qui s’occupent accidentellement d’administration municipale ont commis de graves erreurs en rendant compte des travaux de restauration de ce pont, notamment en ce qui concerne la dépense. Voici, d’après les pièces officielles, les travaux qui ont été exécutés et les sommes employées à cet effet.

Les travaux de restauration sur le grand bras de la Seine ont été commencés le 7 juin 1848 et terminés à la fin de 1852. Ceux de la partie traversant le petit bras ont été adjugés le 4 avril 1853 et terminés à la fin de 1854. Ils ont compris, savoir : la reconstruction des voûtes des têtes de pont, l’abaissement de la chaussée et le remaniement des trottoirs aux abords ; l’établissement de pans coupés aux abords du pont avec les quais de la Mégisserie, de l’Horloge et de Conti ; la construction d’un escalier derrière la statue de Henri IV, pour descendre de la plate-forme au terre-plein. La largeur du pont est de 20 mètres 5 centimètres ; savoir : chaussée, 11 mètres 3 centimètres, deux trottoirs de 4 mètres 51 centimètres chaque. Sa longueur totale est de 276 mètres 22 centimètres. Les travaux ont été exécutés d’après les projets de MM. Poirée et de Lagalisserie, sous la direction de MM. Onfroy de Bréville et Michal, ingénieurs en chef.

La dépense s’est élevée à 1,607,000 fr., en y comprenant 400,000 fr. pour indemnités résultant des nivellements des quais.

[La Revue Municipale. No 171 du mercredi 16 mai 1855. Paris, Bureau de la Revue Municipale.]

Position estimée

  • 1. Le 21 juin 2015,
    L. A.

    Bonjour.
    Vous écrivez, à propos du cliché de Le Secq "Souvenir de l’ancien Pont-Neuf, 1852", que les boutiques sur les balcons du Pont-Neuf ont été détruites de 1848 à 1855. Les dernières, sur le petit bras, étant supprimées en 1853. Vous ajoutez " En 1852, lorsque Le Secq réalise son calotype, la partie du grand bras a déjà été entièrement refaite et est dans l’état que nous connaissons de nos jours. Seul le petit bras est encore le témoin de “l’ancien Pont-Neuf”."
    Or sur le présent cliché de Marville ("Vue de la Seine du pont du Carrousel. Paris. 1853") on aperçoit des structures sur les piles des deux bras du Pont-Neuf, qui n'a donc pas l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui. De quoi s'agit-il ?

  • 2. Le 21 juin 2015,
    Vergue

    Vous soulevez effectivement un problème, qui va nécessiter des vérifications approfondies, car on voit bien sur le cliché de Marville que toutes boutiques sont encore là (et que le Pont Neuf sur le grand bras est en travaux, il y a un cintre en bois sous la cinquième arche).

  • 3. Le 21 juin 2015,
    Vergue

    Merci infiniment d'avoir soulevé cette intéressante question.

    Les travaux du Pont-Neuf commencent en 1848 (ingénieurs Zoroastre-Alexandre Michal et Paul-Martin Gallocher de Lagalisserie). En 1849, on a achevé la première et troisième arche sur le grand bras. La clé de voûte de la cinquième et dernière arche de cette partie du pont est posée en octobre 1851.

    Les premières boutiques sont démolies en 1851 (cf. avis de démolition incessante adressé par la Préfecture au Sieur Feuillade, propriétaire du numéro 11, le 27 mai 1851).

    Le quotidien “La Presse” du 24 mai 1852 nous signale : “Depuis que la partie restaurée du pont est livrée à la circulation, les ouvriers se sont emparés de l'autre partie, dont le tablier est déjà considérablement abaissé. Dans le nouveau plan de reconstruction du pont, les petites boutiques qui s'élevaient de chaque côté, à l'aplomb des piles, doivent disparaître et sont déjà remplacées, du côté qui vient d'être terminé, par des demi-lunes autour desquelles règne un banc circulaire, éclairé de chaque côté par un candélabre. Ces petites boutiques, au nombre de vingt, avaient été élevées en 1775, sur les dessins de Soufflot.” Et ajoute : “L'abaissement du tablier et la reconstruction des arches de ce pont, l'ensemble des travaux de réparations qui y sont exécutés depuis un an, sont une des entreprises les plus hardies et les plus heureuses en fait de constructions qui aient été tentées et accomplies.”

    Ce qui permet de confirmer les informations que j'avais données dans la courte notice du calotype de Le Secq (1852).

    Les travaux du petit bras sont effectués pour le principal en 1853-1854. “La réparation de la seconde partie du Pont-Neuf occupe en ce moment un grand nombre d'ouvriers. On a fait subir au tronçon qui s'étend depuis la Cité jusqu'à la rive gauche de la Seine une transformation destinée à mettre ce côté en rapport avec le reste du pont." (“La Presse”, 22 octobre 1853.)

    Les quatre dernières boutiques sont démolies en mars 1854. “De nombreux ouvriers ont commencé simultanément ce matin la démolition des quatre derniers pavillons qui restaient encore sur le petit bras du Pont-Neuf.” (“La Presse”, 21 mars 1854.)

    Le Pont-Neuf sur le petit bras est livré à la circulation dans toute sa largeur en décembre 1854. Les travaux sont achevés en 1855.

    Par ailleurs, les travaux des quais du Pont-Neuf au quai Malaquais, que l'on voit ici à droite, sont achevés en décembre 1852.

    Tout cela me laisse penser que la date indiquée par la National Gallery of Art pour cette photographie de Marville est nécessairement erronée, et qu'il s'agit en fait de 1851, avant l'achèvement des travaux sur les arches du grand bras en octobre 1851, et vraisemblablement en été 1851.

    Ce qui correpondrait à cette description du chantier du quai Conti trouvé dans “La Presse” du 25 janvier 1852 :

    « Ainsi que nous l’avons annoncé, les travaux et restauration d’embellissement du quai de Conti sont en pleine voie d’exécution ; le grand nombre d’ouvriers terrassiers et paveurs par lesquels la besogne a été attaquée sur tous les points à la fois en garantit le prompt achèvement. La chaussée, entièrement démolie et déblayée de son ancien pavage, sillonnée en tous sens de rigoles et de fossés, pratiqués pour la pose des conduites de gaz, offre le spectacle d’un véritable défrichement à travers lequel la circulation est devenue impossible, même pour les piétons.

    » Au nombre des améliorations que présentera le nouveau pavage, il en est une principale que les ingénieurs de la ville de Paris avaient déjà, a diverses reprises, réclamée infructueusement, c’est l’élargissement du trottoir qui borde l’hôtel de la Monnaie. Ce trottoir, étroit outre mesure, exhaussé, dans certains endroits, de près d’un mètre an dessus du sol de la chaussée, constamment obstrué de passans ou de flâneurs, arrêtés devant les estampes et les cartes géographiques exposées en vente le long des murs du monument, offrait des inconvéniens réels, pour ne pas dire de véritables dangers, et avait été plus d’une fois le théâtre d’accidens plus ou moins graves. Il va être établi sur une largeur, de quatre mètres, et déjà le pourtour est en grande partie posé, assis sur de solides et durables fondations.

    » Quand les maisons comprises entre la rue Dauphine et la rue Guénégaud auront été soumises à l’alignement ; quand la partie du quai qui borde la Seine sera débarrassée de la longue palissade de planches qui s’étend du Pont-Neuf au quai Malaquais, isolant sur ce point les importans travaux d’encaissement de la berge et d’élargissement de la voie publique, déjà interrompus par deux hivers, les abords de la Monnaie et de l’Institut ne le céderont en rien, pour la commodité de la circulation et pour l’élégance, à ceux de la plupart des monumens dont s’enorgueillit la capitale. »

    Je vais probablement corriger cette notice pour faire état de la date "vers 1851".

  • 4. Le 22 juin 2015,
    L. A.

    Merci pour cette réponse comme toujours encyclopédique.
    Pensez si je peux être fier (à peu de frais) d'avoir possiblement contribué à déceler et faire rectifier une erreur de catalogue de la prestigieuse National Gallery of Art.
    La masse de vos connaissances et de votre documentation, et la promptitude de vos réponses continuent de m'épater. Quel travail !
    L. A. [lundi, 9 h 25]

    P. S. : ai-je bien compris, à lire l'extrait du quotidien “La Presse” du 24 mai 1852, que lors de ces travaux, non seulement on a supprimé les boutiques sur les piles du Pont-Neuf, mais on en a "considérablement abaissé le tablier" ? Ou bien est-ce parce que le tablier s'était avec le temps "déjà" considérablement abaissé (affaissé) que justement on a entrepris des travaux de restauration (pour l'exhausser en quelque sorte) ?

  • 5. Le 22 juin 2015,
    Vergue

    Comme sur les anciens ponts romains, la chaussée faisait une sorte de grand dos d’âne. Il s’agissait donc, pour chaque bras, d’abaisser la chaussée de 80 cm en son point central, ce qui impliquait l’abaissement des arches et donc leur reconstruction. L’exploit fut d’exécuter les travaux en maintenant la circulation la plupart du temps.

    On notera que le jeudi 17 décembre 1885, vers les 7 heures du matin, deux arches du petit bras s’affaissèrent de 40 cm, la pile entre les deux s’étant tassée de 30 cm côté amont. Les causes en étaient peut-être un dragage excessif du petit bras de la Seine, et l’augmentation de la vitesse du courant induite par la construction des bas quais, fragilisant les assises de la pile.