Rue de Harlay, c. 1865
Rue de Harlay, du quai des Orfèvres. Paris Ier. Vers 1865.
- Date : vers 1865
- Auteur : Charles Marville (1813-1879)
- Support : tirage sur papier albuminé, 26.5 x 29.2 cm
- Collection : BHDV, anct bibliothèque de la préfecture de la Seine
Version haute définition : 2600 x 2857 pixels.
Si la rue de Harlay, longeant la façade occidentale du palais de Justice, existe toujours, elle est aujourd’hui complètement méconnaissable.
Tous les immeubles sur le côté droit de cette photographie, les numéros impairs, vont être démolis en 1871-1872 pour l’achèvement de la construction du grand perron qui doit accompagner la façade monumentale du nouveau palais de Justice (architecte Joseph-Louis Duc).
Tous les immeubles que nous voyons sur la gauche, les numéros pairs qui fermaient la place Dauphine, vont disparaître en 1874 pour dégager la vue sur le nouveau Palais.
Les immeubles de cette rue étaient occupés depuis 1856 par la préfecture de police, qui avait été chassée de la cour de Harlay et de l’hôtel de la Présidence par l’agrandissement du palais de Justice.
Il ne demeure aujourd’hui de ce passé qu’un seul immeuble, le no 2 au coin du quai de l’Horloge, une maison de style Louis XIII dont les façades sont classées, qui abrita longtemps la Gazette des tribunaux.
Ce qui reste aujourd’hui de la place Dauphine a échappé de peu à la démolition, le projet d’Haussman étant d’éradiquer tout ce qu’il y avait d’ancien sur l’île de la Cité, à l’exception du vieux palais de Justice, de la Sainte Chapelle et de Notre Dame. La place Dauphine devait être entièrement remplacée par un jardin mettant en valeur le nouveau Palais. S’il n’y avait pas eu la fin prématurée du Second Empire, les deux secteurs de la Cité aujourd’hui préservés, la place Dauphine et le triangle autour de la rue Chanoinesse, auraient sans aucun doute aussi disparu. Jugé non prioritaire après 1871, bien que les vieilles maisons soient toujours jugées disgracieuses, l’éradication de cette “verrue” est remis à plus tard, puis, a priori, définitivement abandonnée. J’imagine en effet mal un édile proposer de nos jours la démolition de la place Dauphine. Autres temps, autres mœurs.
La rue était aussi appelée Harlay au Palais pour la distinguer de la rue Harlay au Marais (dans le IIIe, renommée en 1879 rue des Arquebusiers).
HARLAY-AU-PALAIS (RUE). Commence au quai de l’Horloge, nos 17 et 19 ; finit au quai des Orfèvres, nos 40 et 42. Le dernier impair est 29 ; le dernier pair, 20. Sa longueur est de 117 m. —11e arrondissement, quartier du Palais-de-Justice.
Elle a été formée vers 1607 sur les terrains concédés à messire Achille de Harlay, en vertu des lettres patentes du 28 mai de la même année. Sa largeur fut fixée à 8 m. 75 c. Cette dimension a été maintenue par une décision ministérielle du 26 juin 1809, signée Cretet. En vertu de l’ordonnance royale du 26 mai 1840, qui a déterminé le nouveau périmètre du Palais-de-Justice, une partie du côté gauche de la rue Harlay doit être démolie pour faciliter la formation d’une place au-devant de l’une des façades de ce palais. Pour le surplus, la largeur de 8 m. 75 c. sera maintenue, conformément à un arrêté du 26 mars 1848, signé Ledru-Rollin, ministre de l’intérieur et membre du Gouvernement provisoire de la République.
Harlay naquit à Paris en 1536, fut conseiller au Parlement à 22 ans, président à 36 ans, et premier président après la mort de Christophe de Thou, son beau-père.
[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]
Datation de la prise de vue : vers 1865.
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No 172 | Rue de Harlay, du quai des Orfèvres. Vers 1865. | ||
State Library of Victoria | Musée Carnavalet | BHVP (négatif) | |
H88.19/51 | CARPH000889 | — | |
27 x 30.5 | 27.1 x 30.5 | — | |
vers 1877 | 1865-1868 | — |
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En 1854, la préfecture de Police est cour de Harlay, dans l’ancien hôtel de la Présidence (du Parlement). L’agrandissement du Palais de justice impose la démolition de ces bâtiments. Les maisons de la rue de Harlay sont également condamnées à disparaître pour libérer la vue de la façade monumentale du nouveau Palais.
On a exposé à la mairie du IIe arrondissement les plans relatifs aux expropriations qui doivent avoir lieu pour l’achèvement du Palais-de-Justice, côté ouest.
Plusieurs rues, deux quais, une place, deux cours et un passage son atteints par le projet.
Dans la rue du Harlay, les numéros qui doivent disparaître, sont 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 18.
Les autres numéros destinés à disparaître sont les suivans :
Cour du Harlay, 7, 9, 9 bis, 10, 17, 19, 22, 23, 25, 45 ;
Cour Lamoignon, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 34, 35, 36, 37, 38, 39 ;
Passage Lamoignon, 8 ;
Quai de l’Horloge, 7, 9, 11, 13, 15, 17 ;
Quai des Orfèvres, 26, 28 ;
Rue de Jérusalem, 1, 3, 5 ;
Place Dauphine, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9.
[La Presse, 11 avril 1854.]
[Ci-dessus, le Palais de justice et la préfecture de police au début du XIXe siècle sur l’Atlas Vasserot. 3400 x 3033 px.]
Comme il faut reloger temporairement les fonctionnaires de la préfecture dans l’attente de la construction de la nouvelle préfecture sur le quai des Orfèvres, on choisit d’utiliser les maisons sur la rue de Harlay, expropriées et vidées de leurs occupants en septembre 1854. Allant prendre possession de toutes les maisons de la rue, la préfecture fait établir en 1856 des arches aux trois entrées (place Dauphine, quais de l’Horloge et des Orfèvres) pour faire de la rue une sorte de cour.
Les travaux d’appropriation des maisons qui vont servir de bureaux à la préfecture de police sont sur le point d’être achevés. Ils ont presque entièrement changé la physionomie de la rue du Harlay, d’une partie du quai des Orfèvres et de la place Dauphine. Là démolition des vieilles constructions, de la cour Lamoignon, de la rue Basville, de la cour du Harlay est commencée, et chaque jour les employés quittent les anciens bâtimens pour s’installer dans les nouveaux bureaux, où sont déjà, du côté de la place Dauphine et dans les maisons de la rue du Harlay, les bureaux des passeports, des hôtels garnis, du personnel, la police municipale, le service de sûreté, le service des poids et mesures, le bureau de permanence, etc.
[La Presse, 6 juillet 1857.]
Les travaux étant plus longs qu’initialement prévu, la préfecture de Police a occupé la rue de Harlay de 1856 à 1871.
En 1864, le Petit journal nous rappelle que c’est non seulement la rue de Harlay qui doit disparaître à la fin des travaux de construction, mais également la place Dauphine au complet pour faire place à un jardin :
Quand la construction du Palais et de la Préfecture de police en cours d’exécution sera terminée, on procédera à la démolition de toutes les habitations qui se trouvent sur la place Dauphine et rue du Harlay, afin de donner à la nouvelle façade du Palais-de-Justice les larges horizons qui conviennent à son caractère monumental ; ainsi disparaîtront la place Dauphine et la rue du Harlay, de même que toute la partie des quais des Orfèvres et de l’Horloge comprise entre cette dernière et le Pont-Neuf. Ce quadrilatère sera transformé en un jardin public, ayant au centre la fontaine Desaix, et pour cadre les deux bras de la Seine d’abord, et puis la statue de Henri IV et la nouvelle façade de la Préfecture.
[Le Petit journal, no 451, 26 avril 1864.]
La Cour de cassation, sur le quai de l’Horloge, est en voie d’achèvement début 1867 :
La façade extérieure de la nouvelle cour de cassation, donnant sur le quai de l’Horloge, vient d’être débarrassée complètement des échafaudages et des vitrages qui en dérobaient l’aspect.
Quatre grandes statues décorent le fronton. Au-dessus, et dans un encadrement demi-circulaire, est l’écusson impérial, auquel sont adossées deux figures représentant, celle de gauche, la Loi, celle de droite, la Justice armée de son glaive. Une femme, agenouillée implore le secours de la Loi, et un homme enchaîné auprès de la Justice indique que ses arrêts sont inexorables.
Dans un cartel placé au-dessus de la fenêtre du centre de la façade on voit le miroir de la vérité soutenu par deux petits enfants.
Toute la partie du bâtiment formant façade sur le quai jusqu’à la rue du Harlay est entièrement terminée. On ne tardera pas à y installer les divers services du Palais.
[Le Petit journal, no 1427, 6 janvier 1867.]
La même année, le 4 novembre, on inaugure la Cour de cassation (même s’il elle n’est pas entièrement achevée intérieurement) ainsi que les nouvelles salles de la cour d’Assises et la nouvelle salle des Pas-Perdus (aujourd’hui, vestibule des Assises ou vestibule de Harlay). La façade monumentale côté ouest, achevée (il lui manque encore son grand perron, dont les travaux commencent en 1869), est encore masquée par les vieilles maisons de la rue de Harlay. Pour leur démolition, on s’active à terminer la construction de la nouvelle préfecture de Police sur le quai des Orfèvres.
On installe, en ce moment, les appareils d’éclairage par le gaz dans les nouveaux bâtiments de la Préfecture de police au sud-ouest du Palais-de-Justice et sur le quai des Orfèvres. On organise les bureaux de sorte qu’avant qu’il soit longtemps, les bureaux de la Préfecture qui occupent depuis huit ou dix ans les maisons étayées de la rue du Harlay et de la place Dauphine, vont être transférés dans leur demeure définitive et laisser vides les susdites maisons qui vont disparaître pour dégager la magistrale façade du Palais-de-Justice, à l’occident.
[Le Petit journal, no 2125, 26 octobre 1868.]
Il faudra cependant attendre 1870 pour que les fonctionnaires de la préfecture puissent commencer à déménager, une première partie ayant été livrée vers janvier 1870. On promet en avril 1870 la démolition de la rue de Harlay cette année même. Mais la guerre franco-prussienne, déclarée le 19 juillet, et ses suites insurrectionnelles, vont surseoir à cet optimisme.
À la fin de la Commune, la cour de cassation est partie en fumée, tout comme la nouvelle préfecture où, très malheureusement pour les historiens, on avait déjà installé les archives. La nouvelle salle des Pas-Perdus et la façade principale (bâtiment des assises), qui se trouvent entre les deux, sont étrangement épargnées par les flammes. Quelques maisons de la rue de Harlay sont plus ou moins endommagées (comme celle occupée par la Gazette des Tribunaux, au no 2, coin du quai des Orfèvres).
Les services de la préfecture de police, installés dans les maisons de la rue du Harlay donnant sur la place Dauphine, et qu’on a dû étayer par suite de dégradations, ont déjà commencé leur déménagement.
Ils vont être transférés dans les nouveaux bâtiments de l’Hôtel-Dieu, et ils seront provisoirement remplacés rue du Harlay, par des services de la préfecture de la Seine, tels que le service de la voie publique, des égoûts, etc.
Le vieil hôpital, dont la destruction avait été si souvent demandée à cor et à cri, restera encore longtemps à côté de l’antique basilique, en compagnie de laquelle il a traversé des siècles.
[Le Petit journal, no 3136, 2 août 1871.]
Dès 1871, on commence à installer à titre provisoire des services de la préfecture, dont le cabinet du préfet, dans l’un des deux hôtels de la récente caserne de la Cité (1864-1867) plutôt qu’à l’Hôtel-Dieu.
En 1874, on pense allouer définitivement et dans sa totalité la caserne de la garde à la préfecture de police, les nouveaux bâtiments en reconstruction sur le quai des Orfèvres étant alors jugés de surface insuffisante. À cette fin, la caserne est cédée par la Ville au département de la Seine après une délibération du conseil municipal du 14 novembre 1878. La Garde républicaine tardera cependant beaucoup à partir complètement : il faudra attendre 1929 avec le départ des derniers gardes pour que la préfecture puisse enfin investir toute l’ancienne caserne (cf. Le Petit Parisien, no 18922, 19 décembre 1928).
[Premières démolitions des impairs de la rue de Harlay. Prise de vue en direction du quai des Orfèvres. À droite, l’arrière des maisons de la rue de Harlay ; au fond, maisons du quai des Orfèvres. Au premier plan, le chantier de construction du grand perron du Palais. Je suppose qu’on a commencé à démolir dès l’été 1871 les maisons qui avaient été touchées par le feu et que cette photo non datée est de juin-septembre 1871. Photo Pierre Emonds, musée Carnavalet.]
La démolition des impairs de la rue de Harlay se poursuit fin 1871 et début 1872, et est achevée en mars 1872 :
Les démolitions des bâtiments appartenant à l’ancienne préfecture de police, sont entièrement achevées. Il ne reste que les bureaux des passeports et voitures qui se trouvaient au fond de la place Dauphine en bordure de la rue du Harlay qui sont encore debout ; mais ils ne tarderont point à tomber sous la pioche du travailleur, car l’on va sous peu faire disparaître toutes les habitations qui forment cette place.
[Le Petit journal, no 3136, 15 mars 1872.]
Ces démolitions permettent la reprise en 1872 de la construction du grand perron du Palais.
Les derniers services de la préfecture (passeports et garnis) qui s’accrochaient place Dauphine sont déménagés en 1874 et l’on peut enfin détruire les pairs de la rue de Harlay, en même temps que l’on démonte la fontaine Desaix.
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Rue de Harlay, du quai des Orfèvres. Paris Ier. Vers 1865.
- Support : tirage sur papier albuminé (vers 1877), 27 x 30.5 cm
- Collection : State Library of Victoria
Version haute définition : 2600 x 2945 pixels.
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[Notice revue et augmentée le 15 avril 2015. Une première version de ce texte indiquait de façon erronée la démolition des impairs en 1866.]
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Voir également :
Auteur(s) de la notice : Laurent Gloaguen.
Publié initialement le mardi 3 décembre 2013.
Dernière mise à jour le lundi 15 juin 2015.
Article classé dans : Charles Marville > Vues du Vieux Paris.
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