Rue de Constantine, 1865

Marville : rue de Constantine à Paris

Rue de Constantine, de la rue d’Arcole. Île de la Cité. Paris IVe. 1865.

Version haute définition : 3326 x 2600 pixels.

Cette photographie nous offre la vue d’un Paris qui n’existe plus, du temps où il y avait encore une vie de quartier sur l’île de la Cité. Le seul élément qui demeure aujourd’hui est le palais de Justice au fond de la rue. Tout le reste a été rasé.

La rue de Constantine et ses rues adjacentes ont complètement disparu de 1859 à 1866, pour faire place à différents projets haussmanniens : l’élargissement de la rue de la Barillerie, la caserne de la Cité (devenue préfecture de police), le tribunal de commerce, la rue de Lutèce, le nouveau marché aux fleurs et l’Hôtel Dieu.

À gauche, au-delà de la rue de la Cité, toutes les maisons ont déjà été démolies en 1862 pour le chantier de la caserne de la Cité. À droite, mais c’est peu visible sur la photographie, toutes les maisons à partir de la rue du Marché aux Fleurs ont déjà été démolies en 1859 pour la construction du tribunal de commerce.

Cette rue de Constantine, qui nous paraît régulière dans ses lignes, au bâti homogène dans le style des années 1840, était de construction récente (1842-1846).

Nous observons que le temps était pluvieux le jour de la prise de vue. Il est donc amusant de découvrir à gauche l’affiche sur la maison Bizouard : “Nouvelle invention, parapluie réductible américain de poche”. Des publicités pour le “parapluie réductible américain” passent dans La Presse en février-mars 1865 : “Si vous voulez éviter d’être surpris par le mauvais temps, ayez dans votre poche le Parapluie réductible américain, incassable et inusable. — VIALETTE, passage des Princes, 8, Paris. Envoi contre mandat-poste, 20 fr.”

Plusieurs signes nous indiquent que la rue est entrée dans le processus de disparition : de nombreux commerces et plusieurs appartements ont leurs volets fermés ; la banderole de Bizouard annonce un déménagement au 15 du boulevard Beaumarchais ; des maisons à droite, au coin de la rue de la Licorne, sont déjà démolies (nos 14 et 16, rue de Constantine).

La publicité pour les parapluies américains est collée sur plusieurs boutiques à gauche, c’est un affichage sauvage qui confirme que ces commerces sont définitivement fermés.

Nous pouvons aussi deviner un déménagement en cours, à gauche, où l’on voit une voiture chargée d’un matelas et de ballots. Sur le trottoir, il y a une chaise retournée, posée sur un meuble. Les va-et-vient rapides des déménageurs ont laissé comme un nuage flou pendant la longue pose.

Nous voyons des ouvriers qui dépavent des portions de la rue, je ne sais pas pourquoi. Peut-être s’agit-il d’accéder à une canalisation. L’une de ces petites tranchées est déjà rebouchée, entre les rues de Perpignan et Cocatrix.

L’horloge du Palais donne une heure moins cinq, si toutefois elle fonctionne. Ce dont on peut douter, car l’horloge du bureau de surveillant de voitures de la place du Palais indique une autre heure (2 heures 10 ?).

La photo n’est pas prise du niveau du sol, ce qui est rare dans l’album dit du Vieux Paris. Marville est au premier étage d’une maison de la rue d’Arcole qui fait le coin avec l’impasse Sainte Marine, un immeuble de quatre étages exproprié et vraisemblablement déjà vidé de ses occupants (maison Rosey).

Plan de la rue de Constantine, 1860

Position de Marville. [1600 x 1000 px.]

Superposition du bâti contemporain au plan de 1850

Superposition du bâti contemporain au plan de 1850. [1600 x 1000 px.]

CONSTANTINE (RUE DE). Commence à la rue d’Arcole, nos 14 et 16 ; finit à la place du Palais-de-Justice, nos 1 et 2. Le dernier impair est 37 ; le dernier pair, 42. Sa longueur est de 257 m. — 9e arrondissement, quartier de la Cité.

La Cité, qui fut longtemps tout Paris, ne suffisait plus à ses habitants sous le règne de Philippe-Auguste. Le vase trop plein commençait à déborder. Les communautés religieuses, trop exposées au bruit, abandonnèrent cet endroit pour aller former de nouveaux établissements du côté de la montagne Sainte-Geneviève. Le commerce et l’industrie traversèrent le fleuve, puis s’arrêtèrent au chemin qui conduisait à l’abbaye de Saint-Denis. Ce chemin devint bientôt la grande artère qui porta la richesse au nord de la ville. Il ne resta plus à la Cité qu’une population composée de bateliers, d’artisans et de prostituées, qui naissait, vivait, mourait sans sortir d’une atmosphère putride.

Toute tentative d’amélioration avortait devant l’insouciance, le mauvais vouloir ou la pauvreté des propriétaires. Cependant en 1784, M. de Caumartin, Prévôt des marchands, voulut faire pénétrer un peu d’air dans ce cloaque. L’honorable magistrat s’adressa au roi Louis XVI, qui s’empressa d’accueillir sa juste demande.

« Versailles, 3 juin 1787. — Le Roy, étant en son Conseil, a ordonné et ordonne qu’en conformité du plan dressé par le sieur Desmaisons, l’un des architectes de son académie, lequel Sa Majesté a approuvé et approuve, il sera incessamment formé en face de la grille de la cour du Mai et servant d’entrée principale au palais de Paris, une place demi-circulaire ayant 19 toises, etc.…, au milieu de laquelle place il sera ouvert une rue de quarante-deux pieds de largeur qui sera substituée à celle dite de la Vieille-Draperie et sera prolongée jusqu’à la rue de la Juiverie (aujourd’hui de la Cité). Veut Sa Majesté en conséquence que les maisons dont les emplacements sont nécessaires à la formation de ladite place et à l’ouverture de la nouvelle rue, soient acquises au nom de Sa Majesté pour en être les terrains employés jusqu’à concurrence de l’exécution du projet ordonné par le présent arrêt, etc. »

Ce percement ou plutôt cet élargissement ne fut exécuté que jusqu’à la rue Saint-Éloi, et conserva le nom de rue de la Vieille-Draperie. Sous la République, on projeta de continuer cette rue jusqu’au pont de la Cité. Une décision ministérielle du 13 brumaire an X, signée Chaptal, approuva cette disposition, qui néanmoins ne fut point exécutée. — En vertu d’une ordonnance royale du 15 juin 1838, le Préfet de la Seine a été autorisé, au nom de la Ville de Paris, à acquérir, soit par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique, soit de gré à gré, les immeubles ou portions d’immeubles dont l’occupation serait nécessaire pour l’ouverture d’une nouvelle rue dans l’axe du Palais de Justice, pour communiquer à la rue d’Arcole. — Ce percement, dont la largeur est de 13 m. 50 c., a reçu le nom de rue de Constantine, pour perpétuer le souvenir de la prise de cette ville par l’armée française le 13 octobre 1837. — Toutes les propriétés riveraines sont alignées.

La rue de la Vieille-Draperie, dont la plus grande partie a été supprimée après l’ouverture de la rue de Constantine, devait sa dénomination aux drapiers qui vinrent s’y établir en 1183.

Le passage de la Madeleine, formé vers 1794, sur l’emplacement de l’église du même nom, et qui communiquait de la rue de la Licorne à celle de la Cité, a été confondu dans la rue de Constantine. L’église de la Madeleine avait remplacé une synagogue, ainsi que le constatent les lettres d’Eudes de Sully, évêque de Paris en 1205. Elle jouissait du titre d’église archipresbytérale. Supprimée en vertu de la loi du 15 février 1792, elle devint propriété nationale et fut vendue le 21 août 1793.

[Félix et Louis Lazare. Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris. Paris, Bureau de la Revue Municipale, 1855.]

Datation de la prise de vue : septembre-octobre 1865.

No 174Rue de Constantine, de la rue d’Arcole. 1865.
State Library of VictoriaMusée CarnavaletBHVP (négatif)
CARPH000897NV-004-C-0763
37 x 26.938 x 27.8
1865-18681862

Histoire de la rue de Constantine

Projet pour l’île de la Cité, 1776

Ci-dessus, plan de l’île de la Cité en 1754 par Jean Delagrive (1689-1757).
Source : BNF. [4835 x 2627 px.]

Projet pour l’île de la Cité, 1776

Ci-dessus, détail du plan de Guillaume Martin Couture (1732-1799), architecte contrôleur des bâtiments des domaines de la ville et généralité de Paris. Ce plan de 1776 présente en rouge les alignements projetés pour l’île de la Cité ainsi que les nouveaux bâtiments à construire du palais de Justice.
Source : BNF. [3793 x 2000 px.]

Les origines de la rue de Constantine remontent à la fin du XVIIIe siècle. Entre 1783 et 1786, on reconstruit dans le style néoclassique l’entrée principale du palais de Justice sur la cour du May, avec un escalier monumental. Mais le quartier médiéval situé en face ne fait pas honneur au nouveau Palais et n’offre aucune perspective digne de ce nom. C’est ainsi qu’en 1787, un décret royal ordonne la création d’une voie rectiligne dans l’axe de l’entrée du Palais, large de 14 mètres, se rendant jusqu’à la rue de la Juiverie (rue de la Cité).

Pour cause de Révolution, les travaux cessent en 1789. On a juste eu le temps de réaliser la place demi-circulaire du Palais de Justice et une amorce de la nouvelle voie, sur une trentaine de mètres seulement, s’arrêtant dès la rue de Saint Éloi. Le plan Verniquet de 1790 nous donne un état des lieux après l’interruption du chantier :

Rue de la Vieille Draperie sur le plan de Verniquet, 1790

Il faut attendre 1838, sous Louis-Philippe, pour que le projet initié par Louis XVI soit repris. Il est en outre décidé le prolongement jusqu’à la nouvelle rue d’Arcole (bâtie de 1836 à 1838), et la rue est baptisée Constantine en mémoire de la prise la ville du même nom en Algérie (13 octobre 1837).

Le percement de la rue de Constantine cause la disparition de la rue de la Vieille Draperie, voie créée au XIIIe siècle, et d’une église, Sainte Madeleine (Sainte Croix avait déjà disparu en 1797). Le chantier s’étale de 1842 à 1846. C’est donc une rue moderne que l’on s’apprête à livrer aux démolisseurs en 1865 pour la construction du nouvel Hôtel-Dieu : les immeubles que nous voyons sur la photographie de Marville n’ont qu’une vingtaine d’années d’âge.

Le baron Haussmann n’a que faire des plans d’urbanisme de Louis XVI et de Louis-Philippe, son projet est radicalement différent et il veut faire table rase sur l’île de la Cité. Il ne souhaite garder que trois éléments préexistants : Notre Dame, la Sainte Chapelle et, en partie, le vieux Palais. Tout le reste est condamné à être détruit. Il ne doit rester aucune trace de la Cité médiévale, considérée à l’époque comme un cloaque obscur à l’horrible physionomie, obstacle à l’hygiénisme alors en vogue. Le baron-préfet a presque réussi : seuls le secteur autour de la rue Chanoinesse et une partie de la place Dauphine seront sauvés par la chute de l’Empire en 1870. Il n’y aura plus aucun changement notable sur l’île après 1871, à l’exception de la démolition en 1874 des vétustes maisons entre la place Dauphine et la rue de Harlay.

La rue de Constantine disparaît en plusieurs étapes. Le prolongement du boulevard de Sébastopol (renommé boulevard du Palais en 1864) et la construction du tribunal de commerce font disparaître en 1859 les pairs (nos 34 à 42) entre la rue du Marché aux Fleurs et la place du Palais de Justice, ainsi que le no 37 au coin de la place du Palais, en même temps que le bal du Prado, ancien théâtre de la Cité. La construction de la caserne de la Cité fait disparaître en 1862 les impairs (nos 17 à 35) entre la place du Palais de Justice et la rue de la Cité, en même temps que l’église et le couvent des Barnabites. La construction du nouvel Hôtel Dieu et la création du nouveau marché aux fleurs entraînent en 1865-1867 la disparition de tout ce qui reste, soit les pairs de la rue du Marché aux Fleurs à la rue d’Arcole, et les impairs de la rue de la Cité à la rue d’Arcole.

La voie large entre le boulevard du Palais et la rue de la Cité, sur le tracé d’une partie de la rue Constantine, est brièvement appelée avenue de Constantine, puis rue de Lutèce par arrêté préfectoral du 23 octobre 1880.

Décret de Louis-Philippe du 15 juin 1838 :

Louis-Philippe, etc.

Vu la proposition du préfet de la Seine et du conseil municipal de Paris, tendant à obtenir que nous déclarions d’utilité publique l’ouverture d’une rue de 13 mètres 50 centimètres de large, en face du palais de justice, à Paris ; la dite rue devant aboutir en ligne droite à la rue Saint Pierre aux Bœufs [rue d’Arcole] ;
Vu le plan des alignements de la rue projetée, le certificat du maire du neuvième arrondissement de Paris, constatant que ce plan a été publié conformément au règlement ;
Les pièces desquelles il résulte que le projet présenté par l’administration municipale de la ville de Paris a été soumis aux formalités d’enquête exigées par la loi du 7 juillet 1833 ;
Ensemble l’avis du commissaire qui a procédé à la dite enquête ;
Vu les délibérations du conseil municipal du 7 juillet 1837 et 16 mars 1838 ;
Vu la loi du 7 juillet 1833 ;
Notre Conseil d’État entendu, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Article premier. — Une nouvelle rue d’une largeur de treize mètres cinquante centimètres sera ouverte dans l’axe du palais de justice, à Paris, pour communiquer à la rue Saint Pierre aux Bœufs.
Les alignements de cette rue sont arrêtés suivant le tracé des lignes rouges sur le plan ci annexé. L’exécution de ces alignements est déclarée d’utilité publique.

Art. 2. — Le préfet de la Seine, agissant au nom de la ville de Paris, est autorisé à acquérir, soit de gré à gré, soit par voie d’expropriation, pour cause d’utilité publique, conformément à la loi du 7 juillet 1833, les immeubles ou portions d’immeubles dont l’occupation sera nécessaire pour l’établissement de la nouvelle rue.

Art. 3. — Notre ministre secrétaire d’État de l’intérieur est chargé de l’exécution, etc.

Donné au palais de Neuilly, le 15 juin 1838.

Datation de la photographie

Différents éléments me permettent de dater cette photographie de 1865. Le Monde illustré du 27 janvier 1866 (no 459) précise que le quadrilatère entre les rues de la Cité, de Constantine, d’Arcole et le bâtiment de l’Assistance publique (ancienne Administration des Hospices, entre la rue Saint Christophe et la rue Neuve Notre-Dame) — c’est à dire les immeubles à gauche sur la photo — est en cours de démolition, et que le chantier est bien avancé à cette date.

Une gravure vient à l’appui :

Chantier de démolition, île de la Cité, 1866

Janvier 1866. À gauche, Notre Dame, au centre et dans l’axe, l’entrée principale de l’Hôtel Dieu, à droite, le bâtiment de l’Assistance publique. La voie où circulent les gens est la rue d’Arcole. Le premier plan est probablement le peu qui reste de l’immeuble de la maison Bizouard.

DÉMOLITIONS DANS LA CITÉ

Les travaux de démolitions nécessaires au déblayement de l’espace destiné à la construction du nouvel Hôtel-Dieu s’exécutent avec célérité. Ils offrent en ce moment un aspect pittoresque digne d’être fixé par la gravure, et notre dessin de ce jour a pour but de montrer à nos lecteurs l’état actuel de cette immense entreprise.

Le morceau attaqué est circonscrit entre les rues de la Cité, de Constantine, d’Arcole et l’ancien bâtiment de l’assistance publique ; il forme à peu près le tiers de l’emplacement destiné au nouvel hôpital. Les rues qui ont disparu entièrement dans ces récentes démolitions sont celles de la Licorne, de Perpignan, des Deux-Ermites, des Trois-Canettes et Saint-Christophe, — les rues d’Arcole et de la Cité ne seront supprimées qu’en partie.

Léo de Bernard.

[Le Monde illustré, 27 janvier 1866.]

L’auteur signale la disparition de la rue des Deux Ermites, ce qui signifierait que l’on démolit également des immeubles à droite sur la photo (nos pairs), entre les rues de Constantine et des Marmousets. Je pense qu’il s’agit d’une erreur, une confusion avec la rue Cocatrix. Les nos 4 et 6, rue de Constantine, qui encadrent le débouché de la rue des Deux Ermites, ne seront démolis qu’en avril-juin 1866 (voir plus bas). Le plus intéressant dans cette source est assurément l’illustration.

Le 20 octobre 1865, La Presse signale le début des démolitions à venir, qui commenceront par les maisons entre les rues de Constantine et Saint Christophe :

On va commencer la démolition d’un certain nombre de maisons de la Cité, pour la construction du nouvel Hôtel-Dieu et la formation de son périmètre.

On sait que ce périmètre comprend tout l’espace compris entre le quai Napoléon et la rue Saint-Christophe d’une part, et les rues de la Cité et d’Arcole d’autre part. C’est d’abord toute la portion située entre les rues de la Cité, de Constantine, d’Arcole et Saint-Christophe qui va disparaître.

Dans l’ensemble du projet, la rue d’Arcole est maintenue et sera en bordure le long du nouvel hôpital, mais sa largeur et son tracé sont modifiés. Ainsi, sa largeur est portée de 18 mètres à 20 mètres. Quant à son tracé, il continue naturellement à partir de l’axe du pont du même nom, mais, au lieu d’aboutir, comme il le fait aujourd’hui, vis-à-vis du portail de l’Hôtel-Dieu, il incline légèrement à gauche, de manière que la ligne des numéros impairs soit à l’alignement de la façade de la cathédrale.

Cette modification de trace entraîne forcément la démolition non seulement de tous les numéros impairs de la rue d’Arcole actuelle, mais de divers autres immeubles situés du même côté.

Ainsi, dans la démolition dont nous parlons, sont compris, outre les immeubles compris entre les rues de la Cité, de Constantine, d’Arcole et Saint-Christophe, ceux qui portent les numéros 9, 11, 13, 15, 17, 19 sur la rue d’Arcole, les numéros 1, 3, 4, 6 dans l’impasse Sainte-Marine ; les numéros 28, 30, 32, sur la rue du Cloître-Notre-Dame et les numéros 3 et 5 sur la rue des Marmousets.

En somme, cette première partie de l’opération entraîne la démolition de soixante-quatre immeubles.

[La Presse, 20 octobre 1865.]

Les “matériaux à provenir de la démolition” du no 1 de la rue Constantine, c’est-à-dire l’immeuble de la maison Bizouard, ont été vendus par la préfecture du département de la Seine à un sieur Lesieur le 27 octobre 1865. Ceux des nos 3, 5, 7, 9, 11, 13 sont adjugés à la même date.

Les travaux sont réalisés à un rythme soutenu puisque la première partie (au sud de la rue de Constantine, à gauche sur la photo) est achevée de démolir au début de janvier 1866. Les travaux de terrassement sont commencés le 20 janvier :

Toutes les maisons de la Cité qui étaient limitées par les rues de Constantine, d’Arcole, le parvis Notre-Dame, la rue Saint-Christophe et la rue de la Cité sont démolies.

Une seule maison a été conservée à l’angle des rues de la Cité et de Constantine pour loger la gérance des nouveaux travaux et les bureaux de l’architecte.

On a commencé sur la grande place dégagée les travaux de terrassement pour asseoir les fondations de la première partie du nouvel Hôtel-Dieu.

[La Presse, 20 janvier 1865.]

Il faut donc supposer que Le Monde illustré était un peu en retard dans son compte rendu, probablement du fait de sa périodicité et du temps alloué à la réalisation de l’illustration.

Pour revenir à la photographie, les feuilles aux arbres qui bordent le boulevard du Palais et la femme à droite qui semble vendre du raisin, me font penser que cette photo a été faite en septembre ou octobre 1865. Ce qui correspondrait tout à fait à l’époque où les gens ont dû déménager sachant que la démolition des maisons à gauche était programmée pour novembre-décembre 1865.

Le secteur entre la rue de Constantine et le quai Napoléon sera livré aux démolisseurs à partir d’avril 1866. Ces démolitions se terminent en juillet 1866. Le magasin de La Belle Jardinière, sur la rue de la Cité, obtiendra un sursis jusqu’en avril 1867, date d’achèvement de son nouveau magasin sur le quai de la Mégisserie (démolition en avril et mai 1867).

Les “matériaux à provenir de la démolition” des nos 2, 4, 6, 8, 10, 12, de la rue Constantine, ont été adjugés par la Préfecture de la Seine le 13 avril 1866. Ceux des nos 22, 24, 26, 28, 28 bis, 30, sont adjugés le 16 avril 1866. Les nos 14 et 16 étaient déjà démolis au moment de la photographie. Les nos 18 et 19, entre les rues de la Licorne et de la Cité, obtiennent un sursis jusqu’en avril 1867. Le no 32 et les suivants (jusqu’au dernier numéro, le 42) avaient disparu en 1859 pour le tribunal de commerce.

Cette démolition des maisons de droite dans un second temps, en avril-juillet 1866, explique que les commerces des numéros pairs sont encore ouverts au moment de la photographie alors que tous ceux du trottoir opposé semblent définitivement fermés.

La composition décentrée est tout à fait typique de l’auteur. Comme souvent, les lignes attirent le regard sur un réverbère. (On trouvera un archétype de cette “composition marvillienne” sur cette photo de la rue du Quatre Septembre qui date de la fin de sa carrière.)

L’appareil est pointé sur l’immeuble faisant angle des rues Constantine et de la Cité.

Marville : rue de Constantine à Paris

Version haute définition : 3393 x 2600 pixels.

Position estimée

[Position de l’appareil photographique de Marville. Le tracé de rue d’Arcole a été décalé de quelques mètres vers l’est après 1865 pour la construction de l’Hôtel-Dieu.]

[Notice revue et augmentée le 18 avril 2015.]